14 ans après la chute de Ben Ali, les Tunisiens refusent de laisser s’effacer ce qui a été acquis au prix de tant de sacrifices. Ils l’ont fait savoir aux autorités en descendant dans la rue pour dénoncer “les dérives autoritaires du président Kaïs Saïed”.
Le 14 janvier, une foule en colère a envahi l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, réclamant la libération des opposants politiques et dénonçant les dérives autoritaires du président Kaïs Saïed. Ce rassemblement, organisé par le Front de salut national (FSN), a été un moment fort de protestation, mettant en lumière une colère populaire persistante, 14 ans après la chute de l’ex-dictateur Zine El Abidine Ben Ali.
L’avenue Habib Bourguiba, épicentre des révoltes passées, a une nouvelle fois été le théâtre d’une manifestation de grande envergure. Bien que surveillée de près par un important dispositif policier, la mobilisation n’a pas faibli. Des chants de liberté ont résonné à travers la capitale : « Libertés ! » et « Fidèles au sang des martyrs ! », des slogans qui rappellent les sacrifices des Tunisiens durant le soulèvement de 2011. Les manifestants, brandissant des portraits de figures politiques emprisonnées comme l’ex-Premier ministre Ali Larayedh et le juriste Jawhar Ben Mbarek, ont dénoncé des arrestations arbitraires et l’usage excessif de la répression contre toute voix dissidente.
Depuis 2021, le président Saïed a choisi de modifier la date commémorative du début du soulèvement, fixant cette dernière au 17 décembre, jour de l’immolation de Mohamed Bouazizi. Si cette décision visait à rendre hommage à l’événement déclencheur de la révolution, elle a provoqué un vif débat parmi la population. Pour une large partie des Tunisiens, le 14 janvier est perçu comme le jour où l’ancien régime a été renversé, symbolisant l’unité nationale face à l’oppression. Cette modification de la date officielle est vécue comme une tentative de réécrire l’histoire et de réorienter la mémoire collective.
Une dérive autoritaire inquiétante
Les opposants au régime de Saïed pointent une dérive autoritaire de plus en plus marquée. Selon l’ONG Human Rights Watch, plus de 170 personnes sont actuellement emprisonnées en raison de leurs opinions politiques, ou pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression. Depuis son coup de force en 2021, le président a pris des mesures radicales, dissolvant les contre-pouvoirs, et multipliant les répressions à l’encontre des militants, des journalistes et des syndicalistes. La liberté d’expression et les droits humains sont désormais dans le viseur de l’État, une évolution qui inquiète les défenseurs des libertés publiques.
Le 14 janvier, pour beaucoup de Tunisiens, représentait l’espoir d’un avenir meilleur, celui d’une justice retrouvée et d’une dignité rétablie. Quatorze ans après la chute de Ben Ali, la désillusion est palpable. « Nous avons cru en un changement réel, mais aujourd’hui, nous ressentons une trahison », confie un manifestant, les yeux pleins de colère et de frustration. Les rêves d’une Tunisie plus juste et plus libre semblent s’éloigner à mesure que les dérives du pouvoir actuel deviennent plus évidentes.
Malgré tout, sur l’avenue Bourguiba, la détermination des protestataires reste intacte. Les chants de révolte ne faiblissent pas, et la volonté de préserver les acquis de la révolution de 2011 est plus forte que jamais. « Nous continuerons à nous battre », clame un autre participant, « jusqu’à ce que la liberté et la justice soient réellement restaurées ». Le 14 janvier 2025 marquera peut-être un autre tournant dans cette lutte qui s’est intensifiée avec les années. Mais, pour l’instant, les Tunisiens refusent de laisser s’effacer ce qui a été acquis au prix de tant de sacrifices.
MK/ac/Sf/APA