Au Cameroun, des millions d’enfants entament une longue période de vacances. Pour les enfants issus de milieux vulnérables, les vacances peuvent marquer une rupture brutale avec le cadre structurant de l’école et un creusement des inégalités éducatives. D’où certaines initiatives comme le bibliothèques et bibliobus dans plusieurs zones du Cameroun.
Les vacances, c’est le début d’un temps de repos, certes, mais riche en découvertes et en opportunités d’apprentissage informel. Les spécialistes du secteur éducation font observer que l’éducation ne s’arrête pas aux portes de l’école.
Face au constat et aux dangers de l’oisiveté pendant les vacances scolaires, des initiatives émergent au Cameroun pour maintenir un lien entre les enfants et le savoir.
À Douala, des bibliothèques de quartier, souvent animées par des bénévoles ou des enseignants en congé, proposent aux enfants des ateliers de lecture, de dessin ou d’écriture.
Au niveau de Yaoundé, l’association Jeunesse en Action, une ONG opérant dans le secteur de l’éducation, elle, déploie depuis trois ans un programme de « vacances éducatives », combinant jeux pédagogiques, mentorat et soutien psychologique.
Plus au Nord du Cameroun, dans la région de Garoua, des écoles partenaires de projets internationaux restent ouvertes en juillet, permettant aux enfants de continuer à fréquenter un environnement éducatif sécurisé.
Certaines communes, avec le soutien de bailleurs locaux, expérimentent même des bibliobus : des véhicules aménagés qui circulent de village en village pour distribuer des livres et animer des séances de contes.
Maintenir un lien entre les enfants et le savoir
Dans ce paysage d’initiatives citoyennes, les bibliothèques communautaires jouent un rôle central. Ces espaces, encore trop rares, deviennent en période de vacances des lieux d’accueil précieux pour les enfants laissés pour compte du système formel.
Les bibliothèques communautaires, en plus des livres, elles offrent souvent aux apprenants un accès à l’informatique, des animations culturelles, et surtout un environnement bienveillant où la soif d’apprendre est nourrie.
Sur le terrain, la Fondation ASAF Cameroun, fondée par l’entrepreneur Eran Moas, présente dans plusieurs régions du pays, œuvre auprès des enfants en situation de vulnérabilité à travers un accompagnement global : psychologique, éducatif et social.
Son objectif est d’offrir aux jeunes les moyens de dépasser les obstacles liés à leur contexte familial, et leur permettre de se projeter dans un avenir plus stable. Et ce, à travers les livres et bien d’autres supports pédagogiques et éducatifs.
Des bibliothèques pour apprendre autrement
« Pendant les vacances, beaucoup de nos bénéficiaires se retrouvent seuls à la maison. La bibliothèque devient alors un point de repère, un lieu où ils continuent à apprendre, à rêver, à être enfants », explique Kimberly Ntsimi, directrice générale de la Fondation.
Parmi ses programmes, la création de bibliothèques communautaires occupe une place essentielle. Ces structures, pensées comme des espaces vivants et éducatifs, restent ouvertes pendant toute la période des vacances.
Encadrés par des éducateurs et des bénévoles formés, les enfants y trouvent bien plus que des livres : des ateliers de lecture, des jeux éducatifs, des activités d’expression artistique, et surtout un lieu d’écoute et de valorisation.
« Ce que nous construisons à travers ces bibliothèques, ce n’est pas seulement un accès au savoir. C’est un espace de confiance, un refuge, une seconde maison pour des enfants qui en ont désespérément besoin », confie Eran Moas, fondateur d’ASAF Cameroun.
À l’heure où les inégalités éducatives se creusent dès le plus jeune âge, la mobilisation des acteurs associatifs et communautaires apparaît plus cruciale que jamais. Dans ce contexte, la Fondation offre, outre les livres, une écoute et un cadre d’apprentissage aux enfants pendant les vacances.
Pour la Fondation, c’est bien plus qu’un geste solidaire : c’est une réponse concrète à une urgence silencieuse, celle de l’exclusion éducative. Le pari est que chaque enfant, quel que soit son milieu, ait accès à l’éducation, au savoir, à l’épanouissement, et à l’espoir.
Durant ces deux mois de pause, l’absence de suivi scolaire et d’activités encadrées peut provoquer selon les spécialistes la « perte d’apprentissage estivale », notamment un recul des acquis, déjà observé dans les milieux les plus précaires.
Ce phénomène est accentué dans les zones rurales et périurbaines, où les structures d’accueil sont peu nombreuses. Dans les zones les plus vulnérables, les vacances scolaires peuvent marquer un point de bascule : certains enfants, notamment en milieu rural, ne retournent pas en classe à la rentrée.
Selon l’EIP-Cameroun, le pays a connu une déscolarisation sans précédent dans les années 1990, un phénomène qui persiste aujourd’hui dans plusieurs régions, alimenté par la précarité, les déplacements, ou encore l’insécurité.
AP/Sf/APA