Réunis pour la première édition des Rencontres africaines du droit international (RADI), des experts, juristes et représentants institutionnels ont plaidé, jeudi 19 juin à Dakar, pour une réforme en profondeur du régime juridique des investissements, dans le but de concilier souveraineté économique et respect des engagements internationaux.
Organisée par la Société sénégalaise de droit international (SSDI) et l’African Center of International Law Practice (ACILP), la 1ère édition des Rencontres africaines du droit international (RADI) s’est tenue à la Chambre de Commerce de Dakar sur le thème : « Souveraineté économique et droit international de l’investissement : défis et enjeux pour le Sénégal ».
Le Dr Mouhamadou Madana Kane, président de l’ACILP, a mis en lumière les limites de certains traités bilatéraux d’investissement (TBI) conclus par le Sénégal, notamment avec les États-Unis, qui interdisent les prescriptions de résultats et les contraintes de performance.
« Ces dispositions peuvent entrer en contradiction avec la loi sur le contenu local, conçue pour favoriser les entreprises sénégalaises dans des secteurs stratégiques », a-t-il averti, soulignant l’existence d’un déséquilibre que certains investisseurs pourraient exploiter devant des juridictions arbitrales internationales.
En revanche, le TBI signé avec l’Allemagne illustre, selon lui, un meilleur équilibre, en autorisant des mesures de régulation prises pour des raisons de sécurité, de santé ou de réorganisation sectorielle.
Système déséquilibré et coûteux
Prenant la parole, Suzy Nikiema, directrice de l’Institut du droit des investissements à Genève, a affirmé que le régime des TBI, tel qu’il a été conçu dans les années 1960, « n’a pas tenu ses promesses » en matière de développement.
« Le système a surtout engendré des contentieux coûteux et a dissuadé les États de mener des politiques publiques légitimes par crainte de l’arbitrage », a-t-elle indiqué, en appelant à dépasser les réformes cosmétiques pour repenser entièrement le cadre juridique de l’investissement.
Elle a plaidé pour une régulation plus stricte du calcul des dommages-intérêts et des pratiques des tiers-financeurs, ainsi qu’un effort soutenu des États pour renégocier ou dénoncer les TBI obsolètes.
Engagement clair
Représentant la présidence de la République, Marième Touré Lô, conseillère spéciale, a rappelé que le Sénégal demeure attaché à ses engagements internationaux tout en affirmant une volonté de maîtriser ses politiques économiques.
« Cette ouverture ne saurait se faire au détriment de notre capacité à définir et conduire nos politiques selon nos propres intérêts », a-t-elle déclaré, en énumérant plusieurs réformes en cours, dont la révision du Code des investissements, la réforme de la justice économique et la digitalisation des services publics.
Elle a insisté sur la nécessité d’un « équilibre entre stabilité juridique et capacité d’adaptation, entre protection des investisseurs et souveraineté économique ».
Africanisation du droit de l’investissement
Président de la SSDI et directeur des programmes de l’ACILP, Me Aboubacar Fall a salué cette première édition des RADI comme une initiative majeure dans le contexte de la nouvelle orientation économique du Sénégal.
« Il faut revisiter les TBI, le Code des investissements et s’inspirer du Code panafricain des investissements ainsi que du protocole de la ZLECAF », a-t-il préconisé, appelant à une « africanisation du droit de l’investissement ».
Selon lui, l’objectif est clair : doter les Etats africains d’instruments juridiques leur permettant de défendre efficacement leurs intérêts tout en restant attractifs pour les investisseurs.
ODL/ac/Sf/APA