Les ministres de la Justice du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont annoncé la création prochaine d’une Cour pénale et des droits de l’homme de l’AES, ainsi qu’une prison régionale de haute sécurité, pour renforcer la lutte contre le terrorisme et les crimes graves dans l’espace sahélien.
Les ministres de la Justice des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont franchi une nouvelle étape dans la structuration judiciaire de la Confédération lors de leur réunion tenue à Bamako les 29 et 30 mai 2025. À l’issue de deux jours de travaux, les représentants du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont annoncé la création prochaine d’une Cour pénale et des droits de l’homme de l’AES, ainsi que la construction d’une prison régionale de haute sécurité, marquant une volonté affirmée de doter l’espace sahélien d’institutions capables de faire face aux défis liés à la criminalité grave et au terrorisme.
Selon les éléments recueillis dans les documents préparatoires et les déclarations officielles, la future Cour pénale aura vocation à juger les crimes les plus graves affectant la Confédération, dans une logique complémentaire ou subsidiaire aux juridictions nationales. Son mandat inclurait les actes de terrorisme, les crimes transnationaux organisés, ainsi que les violations majeures des droits humains. Si le siège et la composition de la Cour ne sont pas encore arrêtés, son rattachement à une prison régionale sécurisée a été acté, cette dernière devant garantir la détention des individus condamnés dans des conditions adaptées aux standards internationaux.
En parallèle, les ministres ont entériné le principe d’une harmonisation accélérée des législations pénales au sein de l’espace AES, en particulier dans les domaines du terrorisme, du blanchiment d’argent, de la cybercriminalité, de la traite des êtres humains et des atteintes à la souveraineté des États. Un fichier régional des personnes recherchées ou condamnées pour crimes graves sera mis en place, accessible aux autorités judiciaires et sécuritaires des trois pays. L’objectif déclaré est de mieux coordonner les enquêtes, d’éviter les zones de non-droit judiciaires et de renforcer la traçabilité des individus dangereux à l’échelle transfrontalière.
L’élargissement de l’accès à l’assistance judiciaire pour les citoyens des trois États membres a également été validé, dans un souci de consolidation de l’égalité devant la justice. Un mécanisme de solidarité juridique permettra de garantir un socle minimal de défense, même en l’absence de ressources. Par ailleurs, les responsables ont confirmé leur volonté de créer un centre régional de formation judiciaire et pénitentiaire, destiné à professionnaliser les acteurs du secteur à travers des modules conjoints, adaptés aux réalités sécuritaires spécifiques du Sahel.
Au-delà des annonces, ce rendez-vous ministériel incarne une volonté croissante d’intégration juridique entre les membres de l’AES. À défaut d’un cadre juridique totalement unifié, ces instruments traduisent un basculement progressif vers une justice concertée et souveraine, au service d’un ordre régional en mutation. Les débats en séance ont montré que la lutte contre l’impunité est perçue comme un pilier de la stabilité future de la Confédération, tant dans ses fondements sécuritaires que dans sa légitimité politique.
Certains juristes, tout en saluant l’audace du projet, appellent à la prudence. Les statuts de la Cour ne sont pas encore définis, le financement des infrastructures reste incertain, et les implications sur les engagements internationaux des États membres devront être examinées avec rigueur. L’articulation entre cette Cour sahélienne et d’autres juridictions existantes, notamment la Cour africaine des droits de l’homme ou la CPI, soulève des questions juridiques complexes, notamment en matière de compétence concurrente ou de reconnaissance mutuelle.
MD/ac/Sf/APA