Human Rights Watch a rapporté, mercredi, que le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et son allié, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), ont menacé, arrêté et agressé des journalistes, des opposants et des militants de la société civile depuis la prise de Goma en janvier.
Selon un communiqué de HRW, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, les combattants du M23 ont perquisitionné des maisons, proféré des menaces de mort et fait des promesses de représailles, perturbant ainsi le travail des médias indépendants et des groupes de la société civile. L’ONG affirme également que des leaders de la société civile ont été détenus, tandis que des exécutions sommaires ont eu lieu, incluant la mort d’un chanteur et militant chez lui ainsi que celle de cinq hommes contraints à des travaux forcés.
Les rebelles du M23 font partie de l’Alliance Fleuve Congo, une coalition politico-militaire.
« Le M23, soutenu par le Rwanda, harcèle et attaque les militants, les journalistes et les critiques pacifiques dans les zones sous son contrôle à l’est du Congo », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse principale pour la région des Grands Lacs chez Human Rights Watch.
« Restaurer un semblant de normalité dans les villes capturées comme Goma et Bukavu nécessite de permettre aux journalistes et aux militants de la société civile de travailler sans menaces, violences ou pire encore», estime-t-elle.
HRW précise avoir interrogé depuis fin janvier plus de vingt militants congolais, ainsi que des journalistes locaux et étrangers à Goma, Kinshasa et Bujumbura, et avoir examiné des enregistrements audio, des captures d’écran de messages, des vidéos et des discours prononcés par des responsables de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et du M23.
L’ONG indique avoir reçu des informations fiables faisant état de plus de 200 militants ayant sollicité une protection depuis l’offensive du M23 sur Goma en janvier, avant la prise de la capitale provinciale du Sud-Kivu, Bukavu, en février.
« Les autorités du M23 et de l’AFC, ainsi que le gouvernement rwandais, sont tenues de respecter le droit international humanitaire dans les zones qu’ils occupent. Ils devraient permettre aux militants de la société civile et aux journalistes de travailler et de circuler librement, sauf en cas de raisons de sécurité impérieuses, et tenir leurs personnels responsables des abus commis », a déclaré HRW.
Le 5 mars, HRW a envoyé ses conclusions préliminaires par courriel aux autorités rwandaises, leur demandant des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication de ce communiqué.
D’après HRW, après la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, l’AFC a remplacé la police et les institutions gouvernementales nationales dans toute la ville.
« Depuis lors, les combattants du M23 ont battu et exécuté sommairement des présumés soutiens des forces armées congolaises et de leurs alliés, ainsi que des présumés criminels, tout en pillant des maisons », précise l’ONG.
HRW cite un habitant de Goma, qui raconte qu’un groupe de combattants du M23 est venu chez lui le 29 janvier et l’a accusé d’avoir aidé leurs ennemis à tuer leurs « amis » sur la ligne de front.
« Ils m’ont frappé avec des bâtons dans le dos toute la journée », témoigne-t-il. « Je ne peux plus marcher. Ils m’ont battu, attaqué et ont pillé ma maison. »
Le 13 février, des combattants du M23 ont tué le chanteur et militant Delphin Katembo Vinywasiki, connu sous le nom de Delcat Idengo, dans des circonstances apparemment hors combat.
Le 20 février, Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’AFC, a accusé Idengo d’être membre du mouvement de jeunesse Lutte pour le Changement (LUCHA) et a déclaré à Human Rights Watch que les combattants l’avaient tué pour avoir porté des « insignes militaires ».
Dans un autre incident, une source indépendante a rapporté que des combattants du M23 ont exécuté sommairement un militant et quatre autres hommes après qu’ils aient effectué des travaux forcés pour le groupe armé.
HRW a également indiqué que le gouvernement congolais a menacé de prendre des mesures contre les journalistes couvrant le conflit dans le pays.
Le 7 janvier, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a annoncé que Radio France Internationale, France 24 et le programme Afrique de TV5Monde risquaient une suspension pour avoir rapporté des « prétendues avancées des terroristes ».
Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a averti que toute personne, y compris les journalistes, partageant des informations sur le M23 et les forces rwandaises s’exposait à de graves conséquences juridiques, y compris la peine de mort.
HRW a rappelé à toutes les parties au conflit dans l’est du Congo, y compris le Rwanda, le M23, le Congo et ses groupes armés alliés, qu’elles sont tenues de respecter le droit international humanitaire, ou lois de la guerre.
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