Un groupe d’experts indépendants des Nations Unies a estimé que l’interdiction des activités des partis politiques décidée par les autorités militaires maliennes constitue « une violation directe des droits humains fondamentaux ».
La classe politique malienne est en ébullition. Ces derniers jours, la junte au pouvoir a pris deux mesures controversées : un décret suspendant les activités des partis politiques jusqu’à nouvel ordre et un projet de loi visant à durcir les conditions de création et de fonctionnement des formations politiques. Ces décisions ont suscité une vive indignation, donnant lieu à une première manifestation à Bamako et à des réactions de solidarité au-delà des frontières.
Dans un communiqué conjoint, les experts des droits de l’homme Eduardo Gonzalez, Irene Khan et Gina Romero ont appelé à l’abrogation immédiate du décret.
« Ce décret suspendant les activités politiques doit être immédiatement abrogé. De plus, s’il est adopté, le projet de loi du 30 avril mettra le Mali en contravention avec ses obligations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les libertés d’association et d’expression », ont-ils souligné.
Le gouvernement malien a défendu sa position en affirmant que l’objectif est de « mettre fin à la prolifération des partis politiques », et que cette réforme ne remet pas en cause leur existence. Les experts de l’ONU ont rétorqué que ce phénomène peut être régulé par des dispositions électorales légitimes, notamment en liant l’enregistrement des partis à leurs performances électorales passées.
« Au lieu de cela, le projet de loi récemment adopté conditionnera l’enregistrement d’un parti et les candidatures à des dépôts financiers onéreux, limitant le droit à la participation politique aux secteurs à forte capacité économique », ont-ils averti.
Le rassemblement de cet après-midi reporté
Les autorités affirment que ces propositions sont issues des Assises nationales de la refondation de 2021 et des consultations d’avril 2025 sur la révision de la Charte des partis politiques. Mais les experts contestent la validité de cette justification.
« Aucune consultation véritable n’est possible dans le climat actuel de suppression de l’espace civique, où les opposants et les journalistes indépendants ont des raisons de craindre que la liberté d’expression soit sanctionnée », ont-ils déclaré, en rappelant que plusieurs partis avaient boycotté ces consultations par crainte qu’elles servent à justifier la dissolution des partis politiques.
Un deuxième rassemblement de protestation devait avoir lieu ce vendredi 9 mai au Monument de l’Indépendance de Bamako, à l’appel du Collectif de partis politiques pour le respect de la Constitution. Toutefois, l’événement a été reporté « en raison de risques d’affrontements », selon Maliweb. Dans un communiqué, le collectif a indiqué qu’il « refuse de livrer ses militants à la violence préparée par des soutiens à la transition », en place depuis près de cinq ans.
Le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’Administration, Alhamdou Ag Ilyène, a tenté de rassurer l’opinion jeudi, lors d’une rencontre avec les organisations faîtières de la presse. Il a affirmé que la suspension des partis « n’est ni une interdiction définitive, ni une remise en cause du pluralisme ».
Le projet de loi portant suspension des partis sera prochainement soumis au Conseil national de transition (CNT), présidé par le général Malick Diaw. Toutefois, les experts onusiens appellent les membres du CNT à ne pas l’approuver.
« Nous sommes prêts à aider le gouvernement à réviser le projet de loi d’amendement afin de garantir la conformité avec les normes et standards internationaux en matière de droits humains », ont-ils déclaré, insistant sur la nécessité de préserver les libertés politiques.
« Le droit de se réunir pacifiquement est essentiel à la santé d’une communauté politique dynamique. Les autorités maliennes de transition doivent le respecter scrupuleusement et s’abstenir d’actes d’intimidation et de répression mettant en péril l’intégrité physique et les droits des manifestants », ont-ils affirmé.
ODL/te/Sf/APA