Sans coup de tonnerre, Paul Kagame sera réélu pour un nouveau mandat à la tête du Rwanda, pays africain qui, ces deux dernières années, a connu des transformations remarquables et s’est hissé au rang de “The Place to Be” -là où il fait bon de vivre-, en Afrique, et pourquoi pas, dans le monde.
Depuis que Paul Kagame est aux commandes, ce pays d’Afrique de l’Est a subi une métamorphose qui force le respect. Le Rwanda, souvent cité comme modèle pour son développement post-génocide, semble incarner une success story africaine, marquée par une croissance économique fulgurante, des progrès en matière d’égalité des sexes, et un rôle accru sur la scène internationale.
Un miracle économique africain
La prouesse économique rwandaise, qualifiée par certains de « miracle économique », est indissociable de la figure de Kagame. Le pays affiche une croissance économique annuelle moyenne de 7,5 % depuis 2000, tirant ainsi plus d’un million de personnes de la pauvreté. En 2023, le Rwanda a enregistré un taux de croissance de 8,2 %. Si l’agriculture reste prépondérante, employant 56 % de la main-d’œuvre et contribuant à 25 % du PIB, le tourisme, la technologie et les services financiers connaissent un essor significatif. Kigali se veut aujourd’hui un hub technologique avec des initiatives ambitieuses telles que l’“Innovation City”.
Cette croissance s’est accompagnée d’une augmentation notable du PIB par habitant, qui a presque triplé depuis l’an 2000, d’où une amélioration significative des standards de vie. L’investissement en infrastructures, notamment dans les technologies de l’information et dans la capacité énergétique du pays, a plus que doublé, avec un impact direct sur le développement économique et social.
La réconciliation franco-rwandaise et les engagements internationaux du Rwanda
Sous Paul Kagame, le Rwanda a non seulement renforcé son implication dans les missions de maintien de la paix en Afrique, avec 6 000 soldats déployés en République centrafricaine et au Mozambique, mais a également utilisé ces déploiements pour négocier des accords économiques, notamment pour séduire les investisseurs étrangers. Malgré des tensions persistantes avec la République Démocratique du Congo concernant le soutien présumé à des groupes rebelles, le Rwanda poursuit des négociations diplomatiques actives pour résoudre les conflits régionaux.
L’évolution de ses relations internationales est particulièrement notable avec la France. Lors de sa visite à Kigali en mai 2021, le président français Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité de la France dans le génocide rwandais, admettant que la France avait ignoré les avertissements du massacre imminent et avait soutenu un régime génocidaire. Bien que ces déclarations n’aient pas constitué des excuses formelles, elles ont marqué une étape importante vers la réconciliation. Paul Kagame a valorisé ces commentaires, les considérant « plus précieux qu’une excuse ».
Mais pour le président rwandais, l’enjeu est surtout ailleurs. Le réchauffement des relations diplomatiques a mené à une coopération économique substantielle entre les deux nations. La France a augmenté son aide au développement au Rwanda, s’engageant à fournir un paquet d’aide de 500 millions d’euros entre 2021 et 2023, complété par un investissement additionnel de 400 millions d’euros annoncé en 2024. Ces fonds ciblent des secteurs clés tels que l’environnement, la santé et l’éducation, faisant de la France le deuxième plus grand donateur bilatéral du Rwanda, juste derrière les États-Unis.
Et ce n’est pas tout. Kagame est un fin stratège, qui sait flairer les opportunités. En 2021, les relations entre le Rwanda et le Royaume-Uni sont devenues un sujet de débat international quand le gouvernement de Boris Johnson avait conclu un accord avec Kigali pour le transfert de 52 000 demandeurs d’asile vers le Rwanda, en échange d’une avance de 280 millions de dollars. Cet accord a suscité de vives critiques internationales et a finalement été jugé contraire aux droits de l’homme par la Cour suprême de Londres, mais il illustre la capacité de Kagame à saisir des opportunités qui, bien que controversées, peuvent être stratégiquement avantageuses pour son pays.
L’inclusion des femmes
Au Rwanda, la question de l’égalité des sexes n’orne pas seulement les discours politiques, elle s’incarne dans la réalité palpable des institutions. Avec plus de 60 % de femmes au parlement, le pays détient l’un des taux les plus élevés au monde. Des mesures telles que l’accès facilité au crédit pour les femmes entrepreneures ou la promotion de leur participation dans des secteurs traditionnellement masculins ont été mises en œuvre. Parallèlement, la présence féminine est encouragée, voire cultivée, dans des domaines jusqu’alors réservés aux hommes, tels que les STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) ou la construction.
Odyssée dans l’espace
En 2020, Kagame a inauguré l’Agence spatiale Rwandaise, qui symbolise l’ambition du Rwanda de se positionner comme leader en technologie spatiale en Afrique. Des projets comme RwaSat-1, lancé pour surveiller l’environnement et améliorer les communications, et Icyerekezo, qui offre une connexion Internet à des régions isolées, montrent comment le pays utilise l’espace pour soutenir son développement national. En 2022, le Rwanda et le Nigeria sont devenus les premiers pays africains à signer les accords Artemis, un programme spatial de la NASA. Le projet GeoHub, financé en partie par l’Agence Française de Développement, vise à améliorer la conception et l’évaluation des politiques publiques grâce à l’utilisation stratégique des données géospatiales. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre du programme iSTAR 2024, qui s’appuie sur les technologies géospatiales pour répondre à divers défis nationaux tels que l’agriculture et la gestion des catastrophes.
Révolution et réformes dans le secteur minier du Rwanda
Avec Kagame, le secteur minier du Rwanda, une des pierres angulaires de son économie, connaît depuis 1999 une croissance annuelle d’environ 10 %, supplantant l’agriculture en termes de revenus générés. Le tournant majeur de cette transformation fut la privatisation en 2006, une stratégie visant à attirer des capitaux étrangers et à stimuler les exportations. L’adoption d’un nouveau code minier en 2018, ainsi que la création du Rwanda Mines, Petroleum and Gas Board (RMB) et du Rwanda Development Board (RDB), ont consolidé cette dynamique.
Mais ce n’est encore que 30 à 40 % du potentiel minéral du pays des mille collines qui est actuellement exploité. Dans une course à l’investissement étranger, le gouvernement a mis en place des incitations fiscales, notamment une exonération d’impôts sur les revenus des sociétés pendant sept ans pour des investissements d’au moins 50 millions USD, et un taux préférentiel de 15 % sur les revenus pour les projets d’exportation de minéraux transformés localement. Des mesures qui ont contribué à placer le secteur minier comme deuxième source de recettes du pays en 2023, après le tourisme, avec quelque 300 000 personnes employées dans la région des Grands Lacs.
En janvier 2024, un accord d’importance avec le géant Rio Tinto a été signé pour l’exploration et l’exploitation du lithium, crucial pour l’industrie des batteries électriques. Le Rwanda a également renforcé ses liens internationaux dans le secteur minier. Un protocole d’accord avec l’Union européenne, signé en février 2024, cible le renforcement de la coopération pour les matières premières critiques.
Nation branding
Première source de devises du Rwanda, le tourisme est devenu un axe majeur de l’économie nationale, avec le sport comme figure de proue de cette stratégie d’attraction. Sous l’impulsion de Paul Kagame, le pays a développé des infrastructures sportives significatives et a conclu des alliances internationales pour renforcer son attractivité touristique.
Dans cette veine, le Rwanda a noué des partenariats avec des géants du football européen, tels que Arsenal et le Paris Saint-Germain, en plaçant stratégiquement le logo « Visit Rwanda » sur leurs équipements. Initié en 2018, le partenariat avec Arsenal a été renforcé et prolongé jusqu’en 2025, représentant un investissement total de 40 millions de livres sterling. Ce partenariat ambitieux ne se limite pas à promouvoir le tourisme ; il comprend aussi l’accueil de joueurs d’Arsenal pour des camps d’entraînement sur le sol rwandais, créant ainsi un pont culturel et sportif entre le Royaume-Uni et le Rwanda.
CP/Sf/APA