La Cour de Cassation marocaine a rendu une décision inédite, permettant à un enfant né d’un viol de demander une indemnisation sans établir de lien de filiation juridique, marquant un tournant dans le droit civil.
Saisie par une jeune mère handicapée cherchant à obtenir une indemnisation pour son fils issu d’un viol, la Cour de Cassation marocaine a rendu une décision inédite, susceptible de faire date dans l’évolution du droit civil au Maroc. Par un arrêt rendu le 15 avril dernier, la Cour de Cassation ouvre la possibilité d’une indemnisation pécuniaire en faveur d’un enfant né d’un viol. Cette jurisprudence est saluée par les défenseurs des droits de l’homme.
Après avoir échoué à obtenir gain de cause devant le tribunal de première instance d’Al Hoceima puis en appel, la jeune femme avait porté l’affaire devant la Cour de Cassation.
Celle-ci a cassé l’arrêt d’appel et ordonné le renvoi du dossier devant la Cour d’appel de Fès, assorti de la réalisation d’une expertise génétique.
Dans son arrêt rendu le 15 avril 2025, la Cour rejette le raisonnement selon lequel l’enfant n’est pas juridiquement affilié à l’auteur du viol. Elle considère que le bébé est une victime indirecte d’un délit civilement fautif.
La Haute juridiction souligne que le juge n’est pas lié par la qualification juridique donnée par les parties et peut redéfinir le cadre juridique du litige.
En l’occurrence, la demande ne relève pas d’une action en filiation, mais d’une action fondée sur la responsabilité délictuelle prévue par l’article 77 et suivants du Dahir des obligations et contrats.
La Cour insiste sur le fait que le préjudice subi par l’enfant est réel, actuel et certain, se manifestant notamment par les charges de la vie courante telles que l’alimentation, le logement, la santé et l’éducation. Elle précise que l’enfant ne saurait être tenu responsable des circonstances de sa naissance.
À travers cette décision, la Cour de Cassation ouvre la possibilité d’une indemnisation pécuniaire de l’enfant sur un fondement extracontractuel, sans pour autant créer un lien de filiation juridique.
Ce pas jurisprudentiel intervient alors que plusieurs associations de défense des droits humains appellent à une réforme globale du traitement juridique des enfants nés hors mariage, en particulier lorsque leur naissance est issue d’actes criminels.
SL/ac/Sf/APA