Dans cet entretien avec APA, S.E.M. Yurii Pyvovarov, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Ukraine au Sénégal et en Guinée, se prononçant sur la visite d’une délégation africaine à Kiev, a souligné que le retrait des soldats russes de son territoire est un préalable aux pourparlers de paix.
Une mission de médiation africaine se rend ce vendredi 16 juin en Ukraine pour proposer un nouveau plan de paix au président Volodymyr Zelensky. Comment appréciez-vous cette démarche ?
Nous la saluons et serons heureux d’écouter les propositions de nos partenaires africains. Toutefois, je dois dire que nous sommes déjà au courant de l’existence de plans ou d’initiatives de paix de la Chine, du Brésil ou encore du Vatican. Malheureusement, ils ne sont pas réalistes. Car ne tenant pas compte de la position ukrainienne.
Il existe une formule ukrainienne pour la paix, lancée par le président Volodymyr Zelensky. Elle est soutenue par la grande majorité des pays et des organisations internationales. Presque tous nos partenaires africains, y compris le Sénégal, ont été invités à participer à sa mise en œuvre.
Comme mentionnée dans celle-ci, le point de départ d’éventuelles négociations est le retrait des occupants russes du territoire ukrainien. Ce n’est qu’après cela que nous examinerons le format des pourparlers avec le Kremlin.
Si les troupes russes ne se retirent pas de notre territoire, il n’y aura pas de négociations. C’est un axiome. Autrement, il s’agirait d’un gel de la guerre. Ce que nous ne permettrons pas. Les exemples de la Géorgie et de la Moldavie sont encore là. Il est hors de question de mettre fin à la guerre en cédant ne serait-ce qu’un centimètre de notre territoire au pays terroriste qu’est la Russie. Il n’en est pas question.
Si cette mission africaine, respectée, parvient à expliquer cela au criminel de guerre Vladimir Poutine et à l’encourager à retirer ses troupes de l’Ukraine, alors cette initiative de paix sera couronnée de succès et nous serons reconnaissants envers nos partenaires africains. Si ce n’est pas le cas, les négociations avec les terroristes russes se dérouleront exclusivement sur le champ de bataille. Comme nous le faisons depuis février 2022.
Peut-on espérer des solutions pérennes à l’issue de cette médiation ?
Bien sûr ! Nous devons toujours rester optimistes, mais aussi réalistes. Personnellement, je ne fais pas confiance aux Russes. Je ne crois pas non plus à leurs promesses. Nous avons déjà eu une expérience négative avec eux.
Cependant, au regard de la crise alimentaire qui sévit aujourd’hui sur le continent noir, cette mission africaine devrait et peut forcer Poutine à débloquer les ports maritimes ukrainiens afin que nous puissions exporter nos céréales, nos engrais minéraux vers l’Afrique. C’est évidemment dans notre intérêt commun.
Le deuxième aspect important est l’implication possible des médiateurs africains dans le processus de libération des prisonniers de guerre et l’arrêt de l’enlèvement des enfants ukrainiens dans les territoires occupés par la Russie et leur déportation en Russie.
La contre-offensive, lancée début juin par l’Ukraine, remet-elle en question l’accord entre Kiev et Moscou signé en juillet 2022 pour l’approvisionnement des pays africains en blé ?
Je ne vois pas de lien direct entre notre contre-offensive et le fonctionnement du corridor céréalier pour l’exportation des céréales ukrainiennes vers l’Afrique. La contre-offensive ukrainienne est notre droit de libérer nos territoires du fléau russe. Le corridor céréalier est un mécanisme multilatéral (Nations Unies, Ukraine, Turquie et Russie) qui doit être mis en œuvre par quatre parties.
Mais, comme nous le voyons, les Russes continuent de manipuler, de spéculer et de faire ouvertement du chantage, y compris auprès des pays africains, avec la prétendue impossibilité d’accepter le fonctionnement du corridor céréalier parce qu’ils veulent négocier pour eux-mêmes. Mais nous trouverons un autre moyen d’exporter nos céréales vers l’Afrique. Quant à notre contre-offensive, aucun scénario ou chantage russe ne l’arrêtera.
AC/ard/id/APA