Les organisations de la société civile fustigent l’attitude du président tunisien qui a accusé les défenseurs de migrants subsaharienne de « recevoir d’énormes fonds de l’étranger » et d’être « pour la plupart des traîtres et des agents de l’étranger ».
En Tunisie, des défenseurs des droits des migrants font l’objet d’arrestations et de campagnes de diffamation. Une experte onusienne a pris leur défense mardi, affirmant dans un communiqué que la répression visant ces personnes est une nouvelle indication du recul du pays maghrébin dans son engagement à protéger les droits de l’homme.
« Il est consternant d’entendre des déclarations officielles accusant ceux qui aident les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés d’être des traîtres et des agents étrangers », a déclaré dans un communiqué Mary Lawlor, Rapporteure spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Pour elle, cette situation « ne fera qu’engendrer la peur et la stigmatisation et pourrait entraîner la suspension d’activités vitales, laissant des centaines de personnes vulnérables dans des conditions précaires, en particulier les personnes originaires d’Afrique subsaharienne qui ont été la cible d’attaques ».
Au début du mois de mai, après la réunion des ministres de l’Intérieur de Tunisie, d’Algérie, de Libye et d’Italie pour discuter de la migration irrégulière, les forces de sécurité tunisiennes ont expulsé des centaines de migrants et de réfugiés du pays. Il s’agissait notamment de femmes, d’enfants et de demandeurs d’asile qui avaient campé devant les bureaux de l’agence onusienne pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
L’arrestation et la détention d’Abderrazek Krimi et Mustafa Djemali, respectivement directeur de projet et chef du Conseil tunisien pour les réfugiés (TRC), ont rapidement suivi. Selon le communiqué, ils ont été interrogés par la brigade criminelle sur l’origine des financements étrangers de leur organisation, avant d’être placés en garde à vue et accusés d’héberger illégalement des personnes en Tunisie.
Sans nommer directement les deux défenseurs des droits de l’homme ou la Commission vérité et réconciliation, le Président tunisien, Kais Saied, a accusé les dirigeants des organisations qui aident et abritent les « migrants illégaux » d’Afrique subsaharienne de « recevoir d’énormes fonds de l’étranger » et d’être « pour la plupart des traîtres et des agents de l’étranger ».
En revanche, la Commission vérité et réconciliation, qui travaille avec le HCR, a lancé à la fin du mois d’avril un appel à propositions auprès des hôtels pour héberger 57 enfants migrants non accompagnés de Sfax à Tunis, en coordination avec le gouverneur local. Cet appel a déclenché une campagne de diffamation dans les médias, qui ont affirmé que l’hébergement d’Africains en Tunisie menaçait la sécurité nationale du pays.
« Les deux défenseurs des droits des migrants faisaient un travail parfaitement légitime et pourtant ils sont détenus sans procès dans des conditions de surpeuplement et d’insalubrité, en violation totale des conventions internationales sur les droits de l’homme que la Tunisie a ratifiées », a déploré Mary Lawlor, appelant à leur libération et à un meilleur traitement à leur égard.
ODL/Sf/ac/APA