Le procureur de la République de Louga (nord-ouest) a requis mercredi deux ans dont deux mois ferme contre le maître coranique Cheikhouna Guèye, arrêté depuis le week-end dernier à Ndiagne pour avoir enchaîné des enfants talibés, mais qui continue de recevoir les soutiens de guides religieux.
La tension était encore vive au tribunal de Louga après l’annonce du report du délibéré de cette affaire au mercredi 4 décembre 2019. Le parquet venait de requérir en même temps deux ans dont deux mois ferme contre le maître coranique, présent au box des accusés en compagnie de son menuisier métallique et quatre parents d’enfants talibés.
Ils sont poursuivis pour pratiques dégradantes et « esclavagistes » sur des talibés.
Selon la presse sénégalaise, ce sont des jeunes de Guet Ardo, un village situé à 2 km de Ndiagne où le drame a eu lieu, qui ont alerté le procureur de Louga. Ils ont aperçu un jeune talibé (élève d’école coranique) avec des chaînes à la cheville, une pratique qui rappelle le temps funeste de l’esclavage vécu par les noirs.
Les gendarmes sont alors descendus au « daara » (école coranique) avant d’y trouver trois autres talibés dans le même état. Ils ont ainsi interpellé les mis en cause dont le maître coranique, le principal accusé du chef d’inculpation de « maltraitance d’enfants ».
Cependant, les soutiens de Cheikhouna Guèye, qui ont envahi en masse le tribunal de Louga aux premières heures de la matinée, continuaient de réclamer sa libération.
Hier déjà, le Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, se disait préoccupé par cette affaire après la visite d’une délégation de maîtres coraniques.
« J’attends le verdict du procès », leur a-t-il lancé d’emblée, ajoutant qu’il va « convier à une importante réunion les leaders religieux du pays, pour avoir un consensus sur la démarche à avoir au sujet de ce que nous voulons ou ce que nous rejetons » sur le mode d’enseignement dans les daaras.
Plusieurs autres prêcheurs, guides religieux et anciens talibés lui avaient déjà emboîté le pas, notant que l’enchaînement des élèves coraniques n’avait rien à voir à l’esclavage. C’est une pratique « pas nouvelle » et vise à dissuader les talibés fugueurs.
« J’ai entendu des gens parler d’esclavagisme. Les esclaves avaient été enrôlés pour qu’ils travaillent pour autrui, mais ces talibés sont des fugueux que les parents ont amenés pour qu’ils soient corrigés (sic) », a fustigé le guide religieux Serigne Cheikh Tidiane Niass de Kaolack (centre) sur Seneweb.
Soulignant que « tous les grands marabouts sont passés par cet exercice, y compris moi-même et mes enfants », il ajoute que le maître coranique « veut juste qu’ils maîtrisent le Coran et qu’ils soient des exemples de demain ».
ODL/te/APA