Les violences contre la presse s’intensifient au Mozambique après les élections contestées d’octobre 2024. Un blogueur a été abattu par la police en direct sur Facebook, un reporter blessé lors de funérailles réprimées et un journaliste d’opposition a disparu après son arrestation par des hommes en uniforme.
« Au secours. J’ai été touché par une balle et ils continuent de tirer… Je suis en train de mourir ». Ces derniers mots d’Albino Sibia, blogueur mozambicain connu sous le nom de Mano Shottas, ont été diffusés en direct sur Facebook le 12 décembre 2024. Deux balles dans le dos tirées par un policier ont mis fin à sa vie alors qu’il filmait la répression d’une manifestation à Ressano Garcia. Sibia, 30 ans, est mort quelques heures plus tard lors de son transfert vers un hôpital.
Un témoin a raconté au Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qu’un policier lui avait ordonné d’arrêter de filmer. Sibia a refusé. Il a été abattu alors qu’il était déjà au sol.
Les manifestations dénonçaient la contamination de l’eau locale par le transport de chrome. Sibia avait également couvert la contestation post-électorale après la victoire du parti au pouvoir, le Frelimo.
Répression lors des funérailles
Deux jours plus tard, lors des obsèques de Sibia, la police a ouvert le feu sur la foule, tuant deux personnes et blessant le journaliste Pedro Júnior. Ce dernier filmait la scène lorsqu’il a été visé. Trois de ses collègues ont fui avec lui dans une maison, mais les forces de l’ordre les ont repérés et ont de nouveau tiré, tuant leur ami Abel Timana.
Touché au bras, Pedro Júnior a été hospitalisé en Afrique du Sud. Il affirme que lui et ses collègues portaient tous des gilets de presse au moment des tirs.
Un journaliste porté disparu
Le 7 janvier, Arlindo Chissale, rédacteur en chef du site Pinnacle News et partisan de l’opposant Venancio Mondlane, a été arrêté par des hommes en uniforme militaire dans la province de Cabo Delgado. Depuis, il est porté disparu.
Chissale avait publiquement critiqué le Frelimo et soutenu l’opposition. Pinnacle News couvre notamment l’insurrection jihadiste dans le nord du pays, un sujet sensible au Mozambique.
Sa disparition s’ajoute à celle d’Ibraimo Abu Mbaruco, un journaliste enlevé par des soldats en 2020. En 2022, Chissale lui-même avait été détenu pendant six jours.
Les violences contre la presse s’inscrivent dans un contexte de durcissement post-électoral. Le CPJ et l’Institut des médias d’Afrique australe (MISA) dénoncent des restrictions croissantes aux libertés fondamentales et appellent à une enquête indépendante.
La police mozambicaine n’a pas réagi aux sollicitations du CPJ. Pourtant, la famille de Chissale a bien déposé une plainte pour sa disparition.
Le MISA met en garde contre une dérive répressive qui vise particulièrement les journalistes couvrant la crise politique et sociale du pays.
GIK/fss/ac/Sf/APA