Près de 200 acteurs du coton se sont retrouvés jeudi dans la capitale sénégalaise pour discuter des enjeux de compétitivité, d’innovation et de durabilité dans un contexte de crise mondiale persistante de la filière, a constaté APA.
C’est dans une ambiance solennelle et festive que se sont ouvertes les 21e Journées annuelles de l’Association cotonnière africaine (ACA), ce jeudi 15 mai à Dakar. Sous le thème « Renforcer la compétitivité des filières cotonnières africaines : Innovation, durabilité et croissance partagée », ce rendez-vous d’envergure internationale rassemble cette année près de 200 acteurs clés du secteur, venus de plus de 20 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et d’Europe.
La cérémonie d’ouverture a été marquée par un intermède artistique fortement symbolique, une troupe traditionnelle revisitant notamment la danse « Ndawrabine » de la communauté Léboue, comme pour évoquer les gestes de labeur agricole en hommage aux cotonculteurs. Ce moment culturel a été apprécié et chaleureusement applaudi par les participants, majoritairement issus des sphères de la production, du commerce, de la transformation et de la recherche.
L’événement de trois jours s’inscrit dans un contexte marqué par de fortes incertitudes économiques mondiales et une crise répétée des cours du coton, causée notamment par une surabondance de l’offre, une demande modérée et la concurrence croissante entre fibres, exacerbée par les performances du Brésil. Cette situation affecte directement les exportations des producteurs africains, notamment vers des marchés comme le Bangladesh.
Défis structurels
Dans son discours, Ibrahim Malloum, président de l’ACA, a rappelé ainsi les défis structurels du secteur : coût élevé des intrants, dépendance excessive à un nombre limité de marchés, pression concurrentielle internationale etc.
« La filière coton africaine fait face à de nombreux défis, mais elle a su faire preuve de résilience. Nous avons parcouru un long chemin, parsemé d’embûches, passionnant et encourageant », a-t-il déclaré.
Selon Antonia Scott, journaliste à Cotton Outlook, principale revue spécialisée de l’industrie mondiale du coton, la crise s’est aggravée avec l’escalade commerciale déclenchée en mars 2025 par les Etats-Unis contre plusieurs grandes puissances, dont la Chine et le Canada, ayant conduit à des tarifs douaniers sans précédent sur le coton. Toutefois, elle souligne que le coton africain conserve des atouts compétitifs, notamment son mode de production sans intrants chimiques et son impact direct sur les moyens de subsistance de nombreuses familles.
Soulignant l’importance de la collaboration et de l’échange d’expériences, Ibrahim Malloum a invité les dirigeants du secteur à renforcer leur engagement envers l’ACA. « Nous sommes ici pour apprendre les uns des autres. (…) Cette année, les échanges porteront entre autres sur la durabilité, l’analyse technique du coton, les problématiques de financement et l’évolution des coûts sur le marché mondial », a précisé l’ancien directeur général de la Cotontchad, avant d’appeler à un soutien politique accru des gouvernements africains.
Représentant les autorités sénégalaises, le secrétaire d’Etat aux Coopératives et à l’Encadrement paysan, Alpha Ba, a souligné que le coton représente un levier stratégique de souveraineté économique. Il a appelé à une transformation profonde de la filière, en misant sur l’innovation à tous les niveaux, notamment l’organisation des chaînes de valeur et les mécanismes de financement, ainsi que sur une production durable et inclusive.
Croissance
« Il est impératif que les fruits de la croissance cotonnière bénéficient à tous les acteurs », des producteurs aux institutions financières, a-t-il affirmé, tout en insistant sur la nécessité d’impliquer davantage les jeunes et les femmes, déjà actifs dans la filière.
Le ministre a également évoqué le rôle central de la transformation locale, qui permettra de générer plus de valeur ajoutée sur place. « Le développement de la transformation locale du coton constitue un chantier prioritaire. C’est ainsi que nous renforcerons notre souveraineté économique », a-t-il dit.
Membre fondateur de l’ACA, le Sénégal entend relancer durablement sa filière coton avec l’arrivée de nouvelles autorités à la tête du pays. A travers la Sodefitex, sa société de développement textile, il ambitionne de devenir un acteur majeur de la sous-région.
Selon Le Soleil, la société a annoncé un objectif de 25 000 tonnes de coton graine pour 2025, contre 15 508 tonnes en 2024. A terme, le pays ouest-africain vise les 100´000 tonnes d’ici 2029, dans le cadre d’une stratégie de repositionnement du coton comme pilier économique national.
ODL/Sf/ac/APA