L’augmentation des départs depuis les côtes mauritaniennes et l’afflux de migrants maliens posent un défi humanitaire et politique majeur pour l’Espagne.
L’Espagne fait face à une pression migratoire en forte hausse, exacerbée par l’augmentation des départs depuis les côtes mauritaniennes et par l’instabilité au Sahel. Cette situation préoccupe particulièrement les autorités espagnoles, notamment en ce qui concerne les îles Canaries, où les arrivées de migrants ont atteint des niveaux record.
Selon les données recueillies par le quotidien espagnol El País, entre le 1er janvier et le 15 août 2024, l’Espagne a enregistré 31 155 arrivées de migrants sur son territoire, soit une augmentation de 66 % par rapport à l’année précédente. Parmi ces arrivées, 22 304 ont été enregistrées aux Canaries, un chiffre qui a plus que doublé par rapport à l’année précédente. La majorité de ces entrées ont eu lieu en janvier, avec une augmentation spectaculaire de 524 %, avant de diminuer légèrement au cours des mois suivants.
Cependant, ce sont les départs depuis les côtes mauritaniennes qui suscitent le plus d’inquiétude au sein du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez. Des documents confidentiels, révélés par El País, indiquent que 13 000 migrants ont quitté la Mauritanie pour rejoindre l’Espagne, soit une augmentation de 6 000 % par rapport à la même période en 2023. Cette route migratoire, bien que considérée comme l’une des plus dangereuses, continue d’attirer un nombre croissant de candidats à l’exil.
La dangerosité de la route des Canaries est bien connue. Les embarcations qui dévient de leur trajectoire initiale le long des côtes africaines, en raison des forts courants marins, risquent de se perdre en mer.
Dans l’immensité de l’océan Atlantique, les chances de retrouver ces pirogues sont minces. Le 6 août dernier, une pirogue contenant 14 cadavres a été retrouvée au large de la République dominicaine, en mer des Caraïbes. Cette embarcation avait initialement pris la route des Canaries avant de dériver de l’autre côté de l’Atlantique.
L’afflux des maliens : un défi supplémentairr
La Mauritanie reçoit chaque année 10 millions d’euros de l’Espagne pour la formation et l’équipement de ses garde-côtes. En échange, Nouakchott s’engage à accueillir sur son sol les migrants interceptés aux Canaries après avoir quitté la Mauritanie, et à empêcher les départs de canots.
Face à l’afflux massif de migrants, l’Union européenne a signé en mars dernier un accord avec la Mauritanie, d’un montant de 210 millions d’euros, visant à renforcer le contrôle des frontières mauritaniennes.
Cependant, les crises internes au Mali, voisin de la Mauritanie, compliquent la situation. La menace terroriste a poussé des dizaines de milliers de Maliens à chercher refuge en Mauritanie ces derniers mois. Entre janvier 2023 et avril 2024, plus de 95 000 nouveaux réfugiés maliens sont arrivés en Mauritanie, s’ajoutant aux 105 000 réfugiés déjà présents, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Parmi eux, nombreux sont ceux qui aspirent à rejoindre l’Europe. Depuis janvier, 9 000 Maliens ont débarqué clandestinement en Espagne, faisant d’eux la nationalité la plus représentée parmi les migrants arrivés illégalement.
Cette prédominance des Maliens parmi les migrants arrivant en Espagne dessine un nouveau scénario nécessitant des approches différentes de la part des autorités espagnoles. Jusqu’à présent, l’Espagne, contrairement à l’Italie et à la Grèce, a pu présenter son immigration irrégulière comme étant principalement économique, accordant ainsi moins d’attention à ses engagements internationaux en matière d’asile.
Cependant, l’afflux de migrants maliens pourrait modifier ce paradigme. En effet, les Maliens constituent l’un des profils de réfugiés les plus évidents. Par conséquent, le fait que la majorité des nouveaux arrivants aient un profil de réfugié devrait inciter les autorités espagnoles à garantir leur accès à la demande d’asile.
MN/te/Sf/APA