Six dirigeants du continent noir, subissant les contrecoups de cette guerre, ont été investis d’une mission de paix dans les deux pays.
Les émissaires africains sont attendus les 16 et 17 juin en Ukraine et en Russie. Ils se rendent dans cette partie du globe, théâtre d’un conflit depuis février 2022, dans le cadre d’une initiative de paix africaine sous l’égide de la Fondation Brazzaville. Une organisation non gouvernementale britannique créée en 2014 qui œuvre pour la paix et le développement durable dans le monde.
Le Sénégalais Macky Sall, le Sud-africain Cyril Ramaphosa, le Zambien Hakainde Hichilema, le Comorien Azali Assoumani (président en exercice de l’Union africaine) ainsi que les représentants de l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi et de l’Ougandais Yoweri Museveni doivent se retrouver en Pologne avant de rallier ensemble Kiev par le train.
« Le chef de l’État a quitté Dakar ce matin » pour participer à « une mission de médiation visant à mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine », a annoncé hier jeudi la Présidence sénégalaise sur Twitter.
La veille, le ministère zambien des Affaires étrangères a confirmé l’implication du président Hichilema à cette mission de bons offices dont la première étape se déroulera à Boutcha, ville ukrainienne située à 25 kilomètres au Nord-Ouest de la capitale Kiev.
« Cette initiative s’appuie sur l’expérience réussie de l’Afrique en matière de résolution de conflits par le dialogue et la consolidation de la paix. Les dirigeants africains ont pour objectif d’encourager un dialogue ouvert et des négociations entre la Russie et l’Ukraine », justifie la diplomatie zambienne pour laquelle « les conséquences du conflit, notamment les perturbations des chaînes d’approvisionnement en produits de base, vont au-delà de la crise humanitaire ».
Chercheur en Sciences politiques, le Sénégalais Mouhamadou Lamine Bara Lô estime que cette initiative est une manière pour l’Afrique de rappeler qu’elle reste « une entité impactée par le conflit », mais aussi de se positionner comme « un acteur géopolitique » à même de « jouer un rôle sur les enjeux actuels ».
La mission se déroulera dans un contexte marqué par une contre-offensive de Kiev. Elle a été lancée début juin dans le Sud-Est ukrainien pour repousser les forces armées russes. Pour certains observateurs, cette situation risque de mettre en péril l’accord signé en juillet 2022 par les belligérants en Turquie. Cette entente a notamment été favorisée par la visite, en juin de la même année, de Macky Sall, alors président en exercice de l’Union Africaine (UA) et de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’organisation continentale.
En principe, ledit accord devait permettre de libérer entre 20 et 25 millions de tonnes de céréales bloqués en Ukraine. Dans un entretien avec APA, Yurii Pyvovarov, ambassadeur de l’Ukraine, a affirmé qu’il n’y a pas « de lien entre la contre-offensive et le fonctionnement du corridor céréalier pour l’exportation des céréales ukrainiennes vers l’Afrique ». À l’en croire, l’Ukraine envahie a le « droit » de mener une riposte afin de « libérer (ses) territoires du fléau russe ».
Après Kiev, la délégation de haut niveau se rendra à Saint-Pétersbourg, en Russie, où elle rencontrera samedi 17 juin le président Vladimir Poutine. Mais pour M. Lô, l’initiative africaine « manque d’arguments mobilisables et efficaces pour faire bouger les lignes ». Poursuivant, il a assuré que « sans leviers réels, il y a très peu de chances d’impacter la perception de leurs intérêts qui fonderait les concessions mutuelles nécessaires à la paix ».
De son côté, le diplomate ukrainien évite l’optimisme béat : « Je préfère être réaliste. Je ne fais donc pas confiance aux Russes. Je ne crois pas non plus à leurs promesses », a-t-il déclaré, non sans rappeler qu’aucune solution de sortie de crise, en dehors d’un engagement préalable du Kremlin à retirer ses forces d’Ukraine, n’est possible. Nos tentatives d’entrer en contact avec la représentation russe à Dakar sont restées vaines.
AC/id/APA