La loi autorisant l’enrôlement de civils dans l’armée burkinabé, adoptée à l’unanimité le 21 janvier dernier par l’Assemblée nationale, est très critiquée.
Le président du réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel (2r3s), Jérôme Pigné explique que cette loi est le symbole d’une situation qui se dégrade et d’un pouvoir politique qui n’a pas « trouvé d’alternatives pour panser ses blessures ».
« L’adoption d’une telle loi montre bien qu’au Burkina Faso, on est à court d’idées, qu’on n’a pas de solutions à court terme. En somme, qu’on n’a pas trouvé de solutions pour éradiquer le fléau du terrorisme, de l’instabilité…», a notamment déclaré le chercheur.
Dans un entretien accordé à APA, M. Pigné redoute, à terme, « des guerres par procuration à travers des milices armées ».
Tout en s’interrogeant sur l’efficacité de cette mobilisation populaire face à des groupes de mieux en mieux organisés, il souligne que le Burkina Faso dispose d’un « tissu social déjà fragilisé » et l’implication du citoyen lambda dans cette guerre asymétrique ne ferait qu’aggraver la situation.
Partant de là, il estime qu’« on est donc en train d’ouvrir un nouveau champ de batailles où l’on met les populations civiles au cœur de la problématique. Et ça, c’est véritablement dangereux parce qu’on est bien incapable aujourd’hui de peser le pour et le contre des conséquences potentielles de l’implication des civils » dans ce combat contre les groupes armés.
Le chercheur associé à l’Institut Thomas More se demande, par ailleurs, dans quelle mesure les autorités burkinabè, « incapables » de s’assurer que les forces de sécurité ne commettent pas d’exactions, vont réussir à régir l’action des civils « dont le travail est tout sauf de garantir la sécurité » des populations.
« Il y a véritablement un risque de dégradation des relations sociales, du tissu social au Burkina Faso », a-t-il alerté.
Le 21 janvier dernier, alors que 36 civils périssaient dans une attaque terroriste dans la province de Sanmatenga (centre-nord), le Burkina Faso a adopté le projet de loi pour le recrutement de volontaires dans l’armée.
Officiellement, les civils enrôlés pour la défense de la patrie vont recevoir une formation militaire initiale de quatorze jours. Ils seront formés par des spécialistes sur l’armement, les tactiques de base, notamment les embuscades, la gestion d’un poste d’observation, l’éducation civique et morale, les règles de discipline, les principes d’usage des armes et le respect des droits de l’homme.
Pour éviter que ce volontariat n’alimente les réseaux terroristes, souligne le projet de loi, le recrutement sera suivi d’une enquête de moralité et sera encadré jusqu’au niveau de la région militaire. Et ces volontaires seront responsables devant les juridictions des actes répréhensibles commis au cours de leurs missions.
Cela devrait permettre, selon le ministre de la Défense, Chérif Sy, « d’éviter que ces volontaires (ne constituent) des milices ».
ARD/Dng/te/APA