Au bord de la rupture diplomatique avec le Mali, la France conforte sa présence au Niger.
Entre le Niger et la France, c’est le parfait amour. Mercredi 16 novembre, Paris a offert deux hélicoptères de combat de type Gazelle et des pièces détachées à Niamey pour l’appuyer dans la lutte contre les groupes jihadistes actifs dans la région de Tillabéri.
Selon les autorités nigériennes, cet appui logistique s’inscrit dans le cadre d’une coopération plus large, de 16 milliards FCFA, qui a permis depuis 10 ans de former des pilotes au vol de combat et à l’usage de canons, leur action étant décisive dans l’appui de feu aux troupes au sol, les évacuations et les vols de reconnaissance.
« Les autorités estiment que cette coopération est nécessaire. La France est l’un des principaux partenaires du Niger tant sur le plan de l’aide au développement que sur des questions sécuritaires comme justement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », précise le journaliste Aboubacar Yacouba Barma.
En conflit avec les nouvelles autorités du Mali, après dix ans de présence dans ce pays sahélien en proie à une insurrection jihadiste, la France a décidé à repositionner au Niger près de 2000 de ses soldats de l’opération Barkhane. Sauf que ce redéploiement n’a pas été bien accueilli par une partie de l’opinion publique nigérienne. En novembre 2021, des heurts ont fait deux morts lorsqu’un convoi logistique de Barkhane a été bloqué à Tera, dans l’ouest du Niger par des manifestants hostiles à la présence française au Sahel.
« Dans ce contexte, ces dons et appuis de la France peuvent être interprétés comme une volonté de l’ancienne puissance coloniale de redorer son image au Niger et en Afrique », estime Aboubacar Y. Barma, rappelant que « la France ne jouit pas d’une bonne presse au sein de l’opinion et surtout de la société civile car elle est perçue comme une puissance dont les sociétés exploitent les ressources naturelles locales sans véritable retombées pour la population ».
De son côté, la juriste nigérienne, Souwaiba Ibrahim replace les choses dans un « cadre normatif ». « La France est ici depuis 2013. Il n’y a jamais eu de brouille entre elle et les autorités nigériennes. Au contraire, les liens se sont renforcés, en dépit de la friction avec le Mali », soutient-elle, reconnaissant par contre que les autorités nigériennes ont pris les devants pour « légaliser » l’installation des soldats français de l’opération Barkhane au Niger. « Pour vous dire que les autorités nigériennes et la France ont agi afin de donner une base légale solide à cette coopération. Ils ne se sont pas limités à la coopération bilatérale signée entre les deux gouvernements. Comme pour dire : regardez, c’est légal (loi) et légitime (approuvé par les représentants du peuple) », indique la juriste.
Selon Souwaiba Ibrahim, il faut ajouter à cela le fait que « les soldats français ne font des missions terrain seuls comme c’était le cas au Mali ». « Ici, ils opèrent conjointement avec les soldats nigériens. Les soldats français partent en mission toujours sous l’ordre d’un commandement nigérien. Et c’est une grande différence avec ce qu’ils faisaient au Mali », souligne-t-elle. De juillet à octobre, l’État-major des armées nigériennes a fait état d’une quinzaine d’opérations conjointes menées dans l’ouest avec les militaires français dans l’Ouest. Une trentaine de jihadistes auraient été arrêtés lors de ces opérations.
Cette proximité avec la France n’empêche pas au Niger de s’ouvrir à d’autres partenaires. Souwaiba Ibrahim rappelle que « le président Bazoum ne tarit pas d’éloges sur toutes les coopérations militaires étrangères », y compris la Russie avec laquelle « le Niger a une coopération pour la formation de l’armée de l’air et l’achat d’avions » même si pour le chef de l’État nigérien, il n’est pas question de travailler avec la compagnie militaire privée, Wagner.
AC/cgd/APA