La visite du vice-ministre turc des Affaires étrangères Burhanettin Duran à Bamako, porteur d’un message du président Erdoğan à Assimi Goïta, illustre la montée en puissance d’un partenariat stratégique entre le Mali et la Türkiye, fondé sur la souveraineté, la sécurité et un développement mutuellement bénéfique.
Le Président de la Transition du Mali, le général Assimi Goïta, a reçu en audience, ce mercredi 28 mai 2025, Burhanettin Duran, vice-ministre turc des Affaires étrangères chargé des relations avec l’Afrique, porteur d’un message personnel de son homologue Recep Tayyip Erdoğan.
Cette visite officielle traduit une volonté partagée de consolider un partenariat bilatéral jugé stratégique par les deux parties. Depuis l’arrivée des autorités de transition maliennes en mai 2021, la coopération entre Bamako et Ankara a connu un essor rapide, fondé sur une approche pragmatique, multisectorielle et mutuellement bénéfique. Le message du Président turc, relayé par son émissaire, insiste sur la stabilité et la prospérité du Mali comme enjeux d’intérêt commun, non seulement pour la Türkiye, mais aussi pour l’ensemble des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). En réponse, le Président Goïta a salué la constance de l’engagement turc en faveur du renforcement de la souveraineté malienne et du développement local.
La coopération militaire constitue le socle visible de ce rapprochement. Dès 2022, le Mali a acquis plusieurs drones Bayraktar TB2 auprès de la société turque Baykar, suivis par l’arrivée plus récente de drones Akıncı de dernière génération, à capacité stratégique. Ces équipements, livrés en plusieurs lots, ont été intégrés au dispositif des Forces armées maliennes (FAMa), améliorant les opérations de surveillance, de dissuasion et d’appui tactique. Le ministère de la Défense turc et la société Baykar ont tous deux confirmé ces livraisons, saluant un partenariat de confiance.
À l’instar d’autres États africains comme l’Éthiopie, le Togo ou le Niger, le Mali considère ces technologies comme un levier de rééquilibrage capacitaire face à l’asymétrie des menaces sécuritaires. L’effet dissuasif sur les groupes armés non étatiques a été relevé par plusieurs analystes, notamment en lien avec la montée en compétence des unités aériennes maliennes.
Mais la coopération ne s’arrête pas au champ militaire. Sur le plan économique, les données du commerce bilatéral révèlent une dynamique soutenue. En 2024, les exportations turques vers le Mali ont atteint 97,91 millions de dollars, contre 88,53 millions l’année précédente, selon la base COMTRADE des Nations unies. Les importations maliennes vers la Türkiye s’établissaient à 10,28 millions de dollars, illustrant un déficit commercial classique mais compensé par des projets structurants.
Des entreprises turques sont présentes dans les secteurs de la construction, de l’énergie, de la gestion urbaine et de l’hydraulique. Certaines participent à la réhabilitation d’infrastructures stratégiques, notamment routières, énergétiques et sanitaires. Le ministère malien de l’Énergie a confirmé en janvier 2025 un partenariat avec une firme turque pour la construction d’une centrale thermique modulaire de 50 MW dans la région de Koulikoro.
Sur le terrain éducatif et culturel, l’agence turque TİKA multiplie les actions au Mali, en lien avec les autorités locales. Des programmes de bourses, des formations professionnelles et des projets sociaux ciblant les femmes et les jeunes ont vu le jour dans plusieurs régions du pays. L’ouverture de nouveaux centres d’enseignement technique appuyés par la coopération turque est également prévue dans le cadre du Plan national d’investissement pour la jeunesse 2025–2027.
Au plan diplomatique, la Türkiye a été l’un des premiers pays à reconnaître et engager un dialogue direct avec les nouvelles autorités maliennes issues de la Transition. Depuis 2021, les échanges de haut niveau se sont multipliés, en particulier entre ministres des Affaires étrangères, représentants militaires et conseillers économiques. Le Président Erdoğan a lui-même évoqué à plusieurs reprises l’importance stratégique du Sahel pour l’avenir géopolitique de l’Afrique et l’intérêt de partenariats bilatéraux hors du prisme traditionnel des puissances occidentales.
Le Mali, de son côté, voit en la Turquie un partenaire sans agenda idéologique, respectueux de sa souveraineté, et capable d’apporter des réponses concrètes dans les domaines clés de sécurité, développement, santé et gouvernance.
La visite du vice-ministre Burhanettin Duran s’inscrit donc dans cette dynamique ascendante et témoigne d’une volonté commune de structurer une coopération sur le long terme. Le partenariat entre Bamako et Ankara se distingue par sa densité, sa complémentarité et sa lisibilité stratégique. Il reflète aussi une évolution plus large des équilibres internationaux, où les États africains revendiquent un droit à la diversification de leurs alliances, dans un cadre de respect réciproque et d’efficacité opérationnelle.
MD/ac/Sf/APA