Portée par une croissance soutenue, une stabilité politique relative et un secteur privé en expansion, l’économie ivoirienne sous Alassane Ouatara affiche une résilience face aux chocs multiformes, avec une décennie de réformes qui redessine le paysage économique ouest-africain.
Au cœur d’une Afrique francophone qui oscille entre incertitudes politiques et ralentissements économiques, la Côte d’Ivoire poursuit sa trajectoire singulière. Dans le dernier classement des 500 champions africains publié par Jeune Afrique, Abidjan place 30 entreprises parmi les plus performantes du continent.
Une domination qui est le fruit d’une stratégie économique assumée depuis plus d’une décennie. Lorsqu’il prend le pouvoir en 2011, Alassane Ouattara, ancien cadre du FMI hérite d’un pays divisé, meurtri par une décennie de tensions politico-militaires. Dès les premières années, la croissance repart.
Elle dépasse en moyenne les 8,2 % par an entre 2012 et 2019, et malgré les chocs récents (Covid-19, guerre en Ukraine), reste autour de 6,5 % par an sur 2021-2023.
Les prévisions pour 2025 sont tout aussi optimistes avec 7 % de croissance attendue. En mars 2024, l’agence Moody’s relevait la note souveraine de la Côte d’Ivoire à Ba2, saluant « la robustesse des institutions économiques », tandis qu’en janvier 2025, Fitch Ratings confirmait la note BB- avec perspective stable.
Après avoir levé, en mars dernier, 1,75 milliard de dollars via une nouvelle émission d’eurobonds à échéance 2036, le pays franchit l’étape symbolique de devenir le premier État africain à émettre une obligation internationale libellée en monnaie locale.
De la sortie de crise à la relance
Loin des grands indicateurs macroéconomiques, c’est la montée en puissance d’un secteur privé multiforme, ancré localement, mais tourné vers les standards internationaux, qui symbolise le mieux l’évolution du modèle ivoirien.
En tête du peloton des 30 entreprises ivoiriennes figurant dans le classement de Jeune Afrique, la Société ivoirienne de raffinage (SIR) affiche un chiffre d’affaires de 4,3 milliards de dollars, porté par la hausse des capacités de traitement et l’essor des exportations régionales.
Derrière elle, des groupes bien implantés comme Orange Côte d’Ivoire, MTN, SIFCA, Cémoi, ou encore les mines industrielles Yaouré Gold Mine (Perseus) et ITY (Endeavour Mining) témoignent de la diversité du capital entrepreneurial.
En Côte d’Ivoire, l’État n’a pas cherché à tout faire lui-même ; il s’est positionné en catalyseur. Et pour cause, plus de 80% de ces entreprises sont des structures privées, à capitaux nationaux ou mixtes. En une décennie, l’Etat ivoirien a réformé le cadre juridique des affaires.
En outre, l’Etat de Côte d’Ivoire a modernisé l’administration fiscale, mis en place des incitations sectorielles et multiplié les zones industrielles équipées, de Yopougon à San Pedro, en passant par Bonoua et Ferkessédougou.
Un secteur privé en pleine accélération
Ce choix d’ouverture au privé s’inscrit dans une stratégie plus large, celle de l’industrialisation par la transformation locale, notamment dans les filières agricoles. Dès 2015, Alassane Ouattara déclarait lors de l’inauguration d’une usine agroalimentaire : « J’exhorte le secteur privé à renforcer et à diversifier sa présence dans notre pays pour aboutir à la transformation du cacao en produits finis tels que le chocolat. ».
Dix ans plus tard, la Côte d’Ivoire transforme environ 40% de sa production annuelle de cacao sur place, contre 25% en 2015, et ambitionne les 100 % d’ici à 2030. À ce jour, 14 usines traitent environ 800 000 tonnes.
Trois nouvelles usines de transformation de cacao ont été annoncées début 2025, dont celle de GCB Cocoa à San Pedro (Sud-ouest ivoirien), capable de traiter 240 000 tonnes supplémentaires par an.
La stratégie s’étend à d’autres filières : anacarde, mangue, hévéa, riz, produits vivriers. L’objectif est de valoriser la production locale, créer de l’emploi rural, et réduire la dépendance aux marchés extérieurs, le plus souvent par le biais de partenariats public-privé.
Les PME et start-up commencent aussi à occuper le terrain. Dans les services numériques, le e-commerce ou l’agritech, une nouvelle génération d’entrepreneurs tente de capter les opportunités du marché intérieur et régional.
Une trajectoire, mais aussi des fragilités
Malgré ces succès, des défis subsistent. La croissance économique du pays est encore insuffisamment inclusive, certaines inégalités territoriales persistent, et la pression démographique exige davantage d’emplois qualifiés.
Si la stabilité politique semble acquise à court terme, elle reste fragile, surtout en cette année 2025, année où les Ivoiriens choisiront en octobre leur président, dans les urnes, dans une région secouée par les transitions militaires et les frustrations sociales.
Le gouvernement promet de s’attaquer à ces enjeux. Le président Ouattara affirme vouloir réduire de moitié la pauvreté d’ici 2030, en s’appuyant sur une stratégie d’inclusion économique et de soutien aux jeunes et aux femmes.
La concrétisation de ces objectifs dépendra autant de la croissance que de la redistribution de ses fruits.
AP/Sf/APA