Historiquement peu investie dans les relations avec l’Iran ou Israël, l’Afrique adopte une posture discrète devant l’escalade actuelle entre les deux puissances du Moyen-Orient.
Le 13 juin, des frappes israéliennes ont visé des sites militaires en Iran, suspectés de contribuer à un programme nucléaire controversé – une accusation que Téhéran réfute. En retour, la République islamique a lancé une contre-attaque, plongeant la région dans un engrenage de violence : bombardements israéliens, salves de missiles iraniens, pertes humaines considérables.
Alors que les grandes puissances mondiales se positionnent – Washington soutenant Tel-Aviv, tandis que Moscou et Pékin condamnent les frappes contre l’Iran sans pour autant appuyer militairement Téhéran –, l’Afrique reste en retrait.
Entre silence diplomatique et appels modérés à la paix
Ni alignée, ni franchement neutre, l’Afrique semble se cantonner à un rôle d’observateur. L’Union africaine a certes réaffirmé son attachement à une résolution pacifique, mais ses prises de position sont restées générales et peu audibles.
Même l’Afrique du Sud, très critique envers Israël depuis 2023 et engagée devant la Cour internationale de justice pour dénoncer sa politique à Gaza, a opté cette fois pour une rhétorique atténuée. Le président Cyril Ramaphosa a exprimé une « vive inquiétude » face à l’intensification du conflit, tout en appelant à une désescalade sous l’égide des puissances influentes, dont les États-Unis.
Des liens faibles avec les deux belligérants
Les relations entre Israël et les pays africains, jadis cordiales dans les années 1970, demeurent aujourd’hui limitées. Israël entretient des relations diplomatiques avec une quarantaine de pays du continent, dont le Togo, la Côte d’Ivoire ou le Rwanda, mais ces partenaires se sont majoritairement abstenus de commenter la crise actuelle.
De leur côté, le Ghana, le Sénégal ou encore le Nigéria se sont contentés d’appels génériques à la paix. Au Sénégal, une manifestation étudiante contre la présence israélienne a eu lieu récemment, mais elle précède le conflit et ne traduit pas une position gouvernementale officielle.
Quant à l’Iran, son influence en Afrique reste marginale. Les tentatives de Téhéran, notamment sous le président Ebrahim Raïssi, pour renforcer ses liens avec des pays comme le Nigéria ou le Niger – via l’exportation du chiisme ou la coopération minière – n’ont guère porté leurs fruits. La mort accidentelle du président iranien en 2024 a davantage ralenti cet élan diplomatique embryonnaire.
Un calcul stratégique : ne pas se mêler du brasier moyen-oriental
Dans ce paysage géopolitique complexe, marqué par l’influence croissante d’acteurs comme la Chine, la Russie, l’Inde ou la Turquie, ni Israël ni l’Iran ne semblent capables de rivaliser avec ces puissances dans la nouvelle compétition pour les ressources africaines.
L’Afrique, qui a peu à gagner dans un soutien affiché à l’un ou l’autre camp, choisit donc majoritairement une posture mesurée. Ce choix pragmatique reflète une volonté d’éviter de se retrouver instrumentalisée dans un conflit qui n’affecte pas directement ses intérêts vitaux ni ses économies.
Si l’image d’Israël pâtit dans certains pays à majorité musulmane, rien ne laisse présager un basculement diplomatique majeur en faveur de l’Iran. Le continent africain reste fidèle à une prudence stratégique : appeler au dialogue, éviter les prises de position clivantes et garder ses distances avec un conflit qui s’annonce long, incertain et potentiellement dévastateur.
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