L’annonce de la disparition du franc CFA au profit de l’Eco a créé des réactions d’enthousiasme et d’inquiétude chez beaucoup de citoyens des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa). Cet article a été initialement publié le 24 décembre 2019.
Pour l’économiste togolais Kako Nubupko, il y a un sentiment « erroné » de voir l’Eco comme un bis repetita du Franc CFA, a confié à APA.
« Je pense que la crainte de voir l’Eco comme étant un CFA bis n’est pas justifiée pour une raison simple : le projet de création de cette monnaie dit explicitement qu’à terme, elle aura un taux de change flexible et sera pilotée via un ciblage de l’inflation », a expliqué l’ancien ministre togolais de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques, qui plaide depuis longtemps pour l’abandon du franc CFA par les États d’Afrique de l’Ouest.
Garantie par la France sous certaines conditions, la future monnaie des huit pays de l’Uemoa conservera une parité fixe avec l’euro et la même valeur de la monnaie pour les consommateurs. Cette disposition pourrait cependant évoluer dans le temps et en fonction de la volonté des autres pays de la Cedeao lorsqu’ils décideront de rejoindre l’Eco.
A lire aussi: L’Eco est une manœuvre de la «Françafrique» (Universitaire)
Par ailleurs, souligne l’auteur de « L’improvisation économique en Afrique de l’Ouest, du coton au franc CFA », l’annonce qui veut que l’Eco soit à un taux de change fixe avec l’euro « vise à ne pas affoler les marchés financiers et provoquer un phénomène de fuite devant la monnaie ». Toutefois, elle « est une mesure transitoire » qu’il faudra surveiller, prévient-il.
Qualifiant de « mesures historiques » la décision de fermer le compte d’opérations, de rapatrier les réserves de change et de changer le nom du Franc CFA, l’ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie estime que la question importante à se poser aujourd’hui est de savoir si « les critères de convergence sont une condition nécessaire ou suffisante » pour pouvoir intégrer la zone Eco.
A ce propos, il note que les pays de l’Uemoa sont « les plus proches » car ayant déjà des critères de convergence depuis 1999. Toutefois, le Togolais précise que seul son pays respecte à ce jour le critère du maintien du déficit budgétaire sur le PIB à un taux inférieur ou égal à 3%.
Evoquant la question de l’intégration des autres pays de la Cedeao dans cette prochaine union monétaire, Kako Nubupko met l’accent sur la condition fixée par le géant nigérian, à savoir la rupture totale avec le trésor français. Une partie de cette exigence a été satisfaite par les Etats de l’Uemoa qui ont obtenu le rapatriement de 50% de leurs réserves de change détenues à la Banque de France.
Malgré cette avancée, il avertit « qu’il ne faut pas dire qu’on a signé l’acte de mort de l’Eco » parce que la première économie du continent africain n’a pas encore rejoint la zone Eco.
Selon l’économiste, il « se dessine un schéma à deux étapes : le noyau dur des pays de l’Uemoa avec les pays qui ont le même profil économique que lui comme le Ghana, la Guinée, le Libéria (…) avec qui il faudra négocier en premier, et ensuite une seconde étape qui serait la négociation avec le Nigéria qui n’a pas le même profil économique que nous, car étant grand exportateur de pétrole ».
ARD/cat/te/APA