La fraude électrique coûte jusqu’à 90 milliards FCFA par an à la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) selon son directeur, Papa Toby Gaye.
La fraude électrique représente une perte annuelle considérable pour la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec). Selon son Directeur Général, Papa Toby Gaye, « ces pertes représentent environ 10 % du chiffre d’affaires de la société, soit un montant compris entre 60 et 90 milliards de francs CFA par an. »
S’exprimant lundi à Somone (Ouest) lors d’un atelier organisé avec l’Association des journalistes pour la transparence dans les ressources extractives et la préservation de l’environnement (AJTREPE), M. Gaye a relevé la complexité de fléau qui nuit considérablement à son institution.
« La fraude électrique constitue une problématique dont l’ampleur est difficile à quantifier, car elle varie en fonction des acteurs impliqués, qu’il s’agisse de particuliers ou d’industriels », a-t-il déclaré.
Abondant dans le même sens, le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, a renchéri sur la gravité du problème soulignant que « la fraude à l’électricité est un élément extrêmement grave. »
Il a illustré la situation en expliquant que « quand quelqu’un doit payer et ne paie pas, si la Senelec doit encaisser 10 mais n’encaisse que 8 parce que certains échappent au paiement, l’entreprise subit des pertes, et d’autres doivent peut-être compenser. »
Face à cette situation préoccupante, M. Gaye a appelé à une mobilisation générale pour « renforcer la sensibilisation de nos concitoyens sur cette question cruciale », soulignant que l’objectif est de « récupérer ces fonds afin de les réinvestir dans divers projets destinés à servir exclusivement les intérêts du peuple sénégalais. »
De son côté, le ministre a insisté sur l’importance de la transparence à tous les niveaux.
« Si au sommet nous agissons avec transparence, si vous qui communiquez agissez avec transparence, le bénéficiaire final, le citoyen, doit également agir en toute transparence pour que nous puissions tous en tirer les meilleurs bénéfices », a-t-il soutenu.
Les défis structurels du secteur énergétique sénégalais
Au-delà de la fraude, le ministre Diop a dressé un tableau complet des défis auxquels fait face le secteur énergétique sénégalais.
« L’accès à l’énergie est une question fondamentale car elle se trouve au cœur des interrelations entre tous les départements du ministère et toutes les directions générales », a-t-il souligné.
Un constat particulièrement préoccupant concerne le modèle de production de la Senelec. Le ministre a révélé que l’entreprise « ne produit que 25 % de l’électricité qu’elle distribue », les 75% restants étant achetés auprès des producteurs indépendants d’électricité (IPP). Cette situation soulève des questions de souveraineté énergétique.
« Comment une société nationale de production d’électricité peut-elle ne produire que 25 % à 30 % de ce qu’elle distribue ? Quelle souveraineté énergétique avons-nous dans ces conditions ? », s’est-il interrogé.
M. Diop a également pointé du doigt le coût élevé des contrats avec les producteurs indépendants affirmant que « le problème est que les contrats ont été négociés, et le prix du kilowattheure cédé à la Senelec est parfois jugé exorbitant. »
Ajoutant que des renégociations ont été entreprises, permettant « d’économiser 95 milliards de francs CFA » sur une période de 15 ans.
Des disparités importantes dans l’accès à l’énergie
Le ministre a mis en lumière les fortes disparités qui persistent dans l’accès à l’électricité. A l’en croire, le taux d’accès en milieu urbain est de 98 %, mais seulement de 65% en milieu rural. Il a précisé que ce chiffre de 65 % est une moyenne qui masque de grandes inégalités car « certaines localités ont un taux d’accès inférieur à 30%, et il existe des communes où aucun village n’est électrifié. »
« Trois chefs-lieux de commune au Sénégal n’ont toujours pas accès à l’électricité », a-t-il déploré, soulignant que son ministère travaille « rigoureusement pour remédier à cette situation. »
Pour faire face à ces défis, le gouvernement a élaboré une stratégie énergétique ambitieuse. Selon le référentiel national, le Sénégal doit atteindre 10 000 mégawatts d’ici 2050. Aujourd’hui, le pays est à un peu moins de 2 000 mégawatts, a expliqué le ministre.
« Nous avons la possibilité de le faire, les équipes techniques nécessaires, et le soutien déterminé du gouvernement », a-t-il assuré.
Parmi les mesures annoncées figure le renforcement du patrimoine de la Senelec et « mettre fin à la situation où 75 % de l’électricité est produite par le privé, transformant ainsi la Senelec en simple intermédiaire commercial au lieu d’être un producteur. »
Le ministre a également évoqué la décision de privilégier des centrales de grande capacité.
« Nous avons décidé de ne plus accepter pour la Senelec des propositions de centrales de moins de 500 mégawatts afin de bénéficier d’économies d’échelle significatives », a-t-il dit.
Le gaz local comme solution structurelle
Le ministre Diop a présenté l’exploitation du gaz local comme une solution structurelle pour réduire le coût de l’électricité.
« Disposer de gaz local nous permettra d’apporter une solution structurelle à la question du coût de l’électricité. Quand nous avons accès à un gaz à prix abordable, parce qu’il s’agit de notre gaz local et non d’importations soumises à taxation, la Senelec peut produire à un coût moins élevé », a indiqué Birame Soulèye Diop.
Selon les études présentées par le ministre, « si les conditions présentées dans l’étude sont confirmées, nous atteindrons dès 2026 un coût de production inférieur à 200 francs CFA par kilowattheure. » À plus long terme, « selon notre référentiel national, nous visons un coût de 60 francs CFA par kilowattheure d’ici 2040-2050. »
Le plan intègre également l’objectif d’« atteindre un mix énergétique équilibré avec 40% d’énergies renouvelables à l’horizon 2029. »
Cette stratégie globale vise à transformer en profondeur le secteur énergétique sénégalais, en s’appuyant sur les ressources locales, tout en luttant contre les pertes liées à la fraude électrique, qui plombent actuellement les finances de la Senelec.
ARD/te/Sf/APA