Les évêques du Burundi ont dénoncé, dimanche, dans un message lu dans les milliers d’églises du pays, la tentation du « monopartisme », les exécutions extrajudiciaires, la « corruption » et « l’impunité » dans le pays, à un an des élections législatives.
Pratiquée par plus des deux-tiers de la population, la religion catholique est la principale confession au Burundi, dirigée depuis juin 2020 par Evariste Ndayishimiye, un fervent catholique, après le décès du président Pierre Nkurunziza, un protestant évangélique qui a tenu le pays d’une main de fer durant 15 ans.
« Nous savons combien le Burundi, de manière récurrente, a sombre dans la violence suite à l’exclusion et à la recherche exacerbée du pouvoir. Aujourd’hui, cela demeure pour nous une souffrance, vu qu’il existe des signes de ceux qui je voudrais nous faire revivre le système politique révolu du monopartisme », affirme la Conférence épiscopale catholique du Burundi (Cecab) dans son message, dont l’AFP a pu écouter un enregistrement.
« Il est donc nécessaire que soit renforcé un régime qui ferait place à toutes les formations politiques, y compris celles qui sont en opposition à l’égard du parti au pouvoir », ajoutent les évêques.
Ces propositions interviennent quelques semaines après l’éviction de l’opposant historique Agathon Rwasa de la présidence du principal parti d’opposition, le CNL, dans ce qui a été dénoncé par ses partisans et des ONG de défense des droits humains comme une manœuvre du gouvernement.
« Au moment où ceux qui sont membres d’autres partis que celui au pouvoir retrouver étiquetés comme des ennemis (…), il devient difficile de s’engager au service du bien commun », soulignent les évêques.
Ils appellent à ce que « tout soit mis en œuvre afin que soient garanties les libertés individuelles » et que « les échéances électorales prochaines inclusives soient, libres et transparentes ».
– Corruption « endémique » –
Depuis son accession au pouvoir, Evariste Ndayishimiye oscille entre des signes d’ouverture du régime, qui reste sous l’emprise de puissants généraux, et ferme contrôle du pouvoir, marqués par des atteintes aux droits humains dénoncées par des ONG et l’Onu.
En mars 2023, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme avait déploré une « répression croissante » des voix critiques.
« Constater que dans notre pays, il est des personnes qui sont horriblement assassinées ou kidnappées et portées disparues pour des raisons politiques ou autres intérêts macabres, fait frissonner », accuse la Cecab, dénonçant « la culture de l’impunité » qui pousse « le peuple à perdre confiance dans les institutions judiciaires ».
Les évêques lancent également un appel à ceux qui sont prêts à « verser le sang des paisibles citoyens (pour) faire entendre leur idéologie ou (prendre) le pouvoir politique », en référence notamment aux rebelles du groupe RED-Tabara, qui ont revendiqué des attaques meurtrières dans l’ouest du pays, et ceux des Forces nationales de libération (FNL).
Ils les exhortent « à remettre l’épée dans le fourreau ».
La Cecab critique aussi « l’exclusion à l’embauche au niveau de l’Etat », où « l’accès aux postes (…) est conditionné par le seul critère de militantisme dans le parti au pouvoir et/ou la capacité de verser des pots de vin ».
« Cette pratique véreuse entraîne l’incompétence et le manque de productivité, la rémunération des fainéants et des pilleurs de l’Etat, rendant ainsi endémique la pratique de la corruption ».
Malgré la volonté affichée par M. Ndayishimiye d’enrayer la corruption, le Burundi figure à la 162e place (sur 180) du classement de l’association Transparency International.
Pays enclavé dans la région des Grands Lacs, le Burundi est le pays le plus pauvre au monde en termes de PIB par habitant, selon la Banque mondiale, avec 75% de ses 12 millions d’habitants vivant sous le seuil international de pauvreté.
AFP