Cette décision risque d’amplifier la crise humanitaire qui prévaut dans plusieurs régions du pays.
Dans un communiqué lu à la télévision publique nigérienne, le ministre de l’Intérieur a annoncé qu’« en raison de la situation sécuritaire du moment et de l’engagement opérationnel actuel des forces armées nigériennes, le ministère informe les organisations internationales, les Organisations non gouvernementales nationale et internationale et agences onusiennes présentes au Niger, que toute les activités et ou mouvements dans les zones d’opérations sont momentanément suspendus ».
Le communiqué ne précise pas les régions concernées mais depuis quelques années, l’armée nigérienne est engagée dans plusieurs opérations militaires de lutte contre le terrorisme, notamment dans les régions de Tillabéri et Tahoua, à la frontière avec le Mali, où sévit l’Etat islamique au Sahel (EIS), ainsi que dans celle de Diffa, à l’extrême sud-est du pays, où opèrent Boko Haram et l’Etat islamique islamique en Afrique occidentale dit ISWAP. Des régions placées en état d’urgence où la situation humanitaire n’a cessé de se dégrader avec le déplacement des populations engendré par les violences terroristes qui sont venus s’ajouter à des défis sociaux structurelles notamment le niveau de pauvreté structurel, l’insécurité alimentaire et le faible accès des services de base.
La suspension des activités humanitaires dans ces zones risque davantage d’amplifier la crise pour les populations, notamment les femmes et les enfants, à qui l’aide des organisations internationales, des ONG et des agences onusiennes peinent déjà à parvenir depuis plus d’un mois, en raison des sanctions économiques et financières imposées au pays par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) suite au coup d’état du 26 juillet.
Situation humanitaire critique
Selon le dernier bulletin du Bureau des Affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), publié le 25 août dernier, en 2023, 17 % de la population du Niger soit environ 4,3 millions de personnes, aura besoin d’une aide humanitaire vitale. « Cette situation est due à l’impact des inondations, au conflit, à la perte de revenus et à l’absence de solution durable », indique l’Office onusien qui alerte que « des mesures efficaces doivent être mises en place afin de garantir la protection des populations affectées, de fournir une aide humanitaire adéquate et d’œuvrer en faveur de solutions durables afin de renforcer la résilience des communautés ».
Selon le Système des Nations unies, la crise politique est venue aggraver « une situation déjà préoccupante en matière de sécurité alimentaire ». Outre les 3,3 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire sévère, 7,3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée risquent de se retrouver en situation sévère en raison de la gravité de ce choc en conjonction avec les défis saisonniers et à l’insécurité persistante, ont alerté plusieurs agences onusiennes actives dans l’humanitaire.
Des responsables des Nations unies ont également déclaré, dans un communiqué le 29 août 2023, que les sanctions bloquaient l’aide humanitaire vitale, comme la nourriture et les médicaments, avant d’annoncer que « des demandes d’exemption avaient été soumises à la Cédéao ».
Depuis plus d’un mois, en effet, les camions transportant de la nourriture et de l’aide humanitaire sont bloqués dans les ports et pays frontaliers du Niger suite à la fermeture des frontières. Sur les marchés locaux, les prix des produits de premières nécessités ne font que grimper. « Il n’y a aucun moyen d’acheminer l’aide humanitaire dans le pays », a déclaré Emmanuel Gignac, représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Niger, lors d’un point de presse tenu le même jour à Genève. Le responsable onusien a souligné qu’une lettre officielle écrite par Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, au Bureau de la coordination des affaires humanitaires avait été adressée à la Cédéao pour obtenir des exemptions.
« Malgré la détérioration du climat politique dans le pays, la communauté humanitaire réaffirme sa détermination à rester sur le terrain et à continuer d’opérer dans le respect des principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, qui sont les garants d’une réponse efficace et d’une approche centrée sur la communauté », ont assuré les agences onusiennes ainsi que leurs partenaires. En plus de l’exemption humanitaire qui est nécessaire pour garantir que l’aide vitale puisse continuer à atteindre les communautés les plus démunies, elles ont aussi alerté sur le faible niveau de stocks disponibles dans le pays avec la plupart des acteurs humanitaires qui ont indiqué qu’ils ne disposent que de stocks limités dans le pays, ce qui fait craindre une interruption totale de l’assistance dès le mois de septembre pour certains.
Les organisations internationales, ONG et agences humanitaires estiment par conséquent qu’un pont aérien pour les acteurs humanitaires est nécessaire et ont invité les bailleurs de fonds à « mobiliser des financements urgents et flexibles afin de permettre aux acteurs humanitaires de sauver des vies ».
AYB/ac/APA