Le maire de la commune insulaire de Dionewar (centre), Lansana Sarr, a avoué avoir encaissé une somme importante d’argent d’un convoyeur de migrants irréguliers en route vers l’Espagne.
Au Sénégal, Lansana Sarr est dans de beaux draps. Le maire de Dionewar, une commune de la région de Fatick située dans les îles du Saloum (centre), a été arrêté vendredi 14 mars par la gendarmerie de Foundiougne, quelques heures après l’interception d’une pirogue transportant 547 personnes en direction de l’Espagne. Lors de son audition, il a avoué aux enquêteurs, selon plusieurs sources médiatiques, avoir reçu deux millions de francs CFA, environ 3 300 dollars américains, des mains d’un des convoyeurs, également appréhendé par les forces de l’ordre.
Selon le journal L’Observateur, citant ce convoyeur, cet argent devait être remis à des agents publics chargés de lutter contre l’émigration irrégulière afin de faciliter le passage des deux pirogues de fortune au moment de la traversée de la mer. Toutefois, Lansana Sarr, cadre de la Poste, a réfuté ces propos, précisant que cette somme était destinée à engager un avocat pour défendre les personnes en cas d’échec du voyage.
Le même média rapporte que, lors de la confrontation, Lansana Sarr a été déstabilisé par ses nombreux échanges téléphoniques avec le convoyeur. Le journal indique qu’une perquisition menée par le procureur de la République de Fatick a permis de constater que les deux hommes avaient échangé de nombreux appels pendant les préparatifs de ce voyage avorté.
Poursuivis pour « association de malfaiteurs en circonstances aggravantes », le maire de Dionewar et ses présumés complices, dont une dame qui a reçu cinq millions de francs CFA (8200 dollars) d’un convoyeur, seront déférés au parquet du Pool judiciaire et financier (PJF) dans les prochaines heures.
Réagissant à cette affaire, le directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, a réclamé des sanctions plus sévères contre les personnes qui nourrissent ce trafic de migrants. « Le Sénégal n’est pas un pays en guerre. Il n’y a ni famine, ni catastrophe naturelle. Les peines de prison doivent être durcies pour ceux et celles qui, convoyeurs et parents, mettent en danger la vie des enfants et des mineurs en les embarquant dans les pirogues de la mort », a-t-il dit sur X.
Cet événement intervient alors que le Sénégal fait face depuis plusieurs mois à des vagues de départs massifs vers les Îles Canaries.
Le ministre de l’Intérieur, le général Jean Baptiste Tine, a révélé des chiffres alarmants : entre janvier et octobre 2024, 502 départs de pirogues ont été enregistrés depuis les côtes sénégalaises. Parmi ces embarcations, environ 64 seraient parvenues aux îles Canaries, transportant quelque 34 162 migrants.
« Le Sénégal, en tant que pays de départ, de transit et de destination, se trouve au carrefour de ces dynamiques migratoires avec des impacts importants tant pour les migrants eux-mêmes que pour nos politiques », a déclaré le général Tine lors de l’installation du comité régional et départemental de lutte contre la migration à Ziguinchor en janvier dernier.
ODL/ac/Sf/APA