La RDC est tout à la fois zone de fabrication et de trafic de faux billets, un fléau transfrontalier qui menace l’économie et la sécurité régionale, alerte l’Institut d’études de sécurité (ISS).
La République démocratique du Congo (RDC) est devenue une plaque tournante pour la fabrication, le transit et la distribution de fausse monnaie, en particulier de faux dollars américains, souligne, dans un texte paru ce jeudi, Oluwole Ojewale, Coordinateur de l’Observatoire régional du crime organisé ENACT – Afrique centrale, à l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Les réseaux criminels opérant dans l’économie souterraine exploitent la porosité des frontières et les routes commerciales informelles pour distribuer ces faux billets.
Ce phénomène, qui s’étend bien au-delà des frontières congolaises, représente une menace sérieuse pour l’économie locale et régionale, ainsi que pour la sécurité des pays voisins, alerte-t-il.
En février 2021, rapporte M. Ojewale, la police ougandaise a arrêté huit individus, principalement originaires de la RDC, en possession de 2,4 millions de faux dollars américains destinés à être mis en circulation en Ouganda et dans la région.
Plus récemment, poursuit-il, en janvier 2023, un trafiquant congolais a été intercepté par les autorités fiscales ougandaises avec 500 000 dollars de faux billets dissimulés dans ses bagages.
Ces cas ne sont que la partie visible de l’iceberg, car la circulation de faux billets reste largement sous-déclarée. Selon un officier de liaison d’INTERPOL ayant requis l’anonymat, seulement deux cas en moyenne sont signalés chaque année en RDC, ce qui ne reflète en rien l’ampleur réelle du trafic.
Les marchés locaux et les petites entreprises, souvent peu équipées pour détecter les contrefaçons, sont les principales cibles de ces activités illicites.
Des conséquences économiques et sécuritaires graves
La circulation de faux billets a des répercussions néfastes sur l’économie congolaise et régionale. Elle entraîne une dévaluation de la monnaie, une inflation des prix des biens et services, et des pertes financières substantielles pour les entreprises.
En outre, la fausse monnaie est souvent utilisée pour financer des activités criminelles plus larges, telles que le trafic d’êtres humains, le trafic de stupéfiants, et même le terrorisme.
En 2021, la police congolaise a ainsi saisi des armes, des faux dollars et du matériel de contrefaçon lors d’une opération à Bukavu, mettant en lumière les liens entre ces réseaux criminels et des activités illégales plus graves.
La dollarisation de l’économie congolaise, conséquence de l’hyperinflation et de la dévaluation du franc congolais dans les années 1990, a exacerbé le problème. Aujourd’hui, environ 90 % des actifs du système bancaire sont libellés en dollars américains, et cette monnaie est largement utilisée pour les transactions importantes.
Une loi de 2001 garantit même le libre règlement des transactions en devises, ce qui facilite la circulation des faux billets. Cette dépendance au dollar rend la RDC particulièrement vulnérable aux activités de faux-monnayeurs.
Pour lutter efficacement contre ce fléau, plusieurs mesures doivent être mises en œuvre. Selon Oluwole Ojewale, il est essentiel de renforcer les capacités des forces de l’ordre, des unités d’enquête financière et de l’appareil judiciaire.
« La collecte de données précises et pertinentes est un élément clé de la réponse. Les pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale doivent également améliorer leur coopération transfrontalière pour surveiller et démanteler ces réseaux criminels », explique-t-il.
La Banque centrale de la RDC a un rôle crucial à jouer dans la préservation de l’intégrité des billets de banque. Elle doit intensifier ses efforts pour informer et former le public, les entreprises et les forces de l’ordre sur les éléments de sécurité des billets de banque.
« Investir dans les nouvelles technologies pour détecter les faux billets et accélérer les poursuites contre les contrevenants est également indispensable », ajoute Ojewale.
Enfin, pour inverser la tendance à la dollarisation, les autorités congolaises doivent maîtriser l’inflation et restaurer la confiance dans la monnaie locale. Cela nécessitera des réformes économiques profondes et une stabilisation politique durable.
ARD/te//Sf/APA