Avec l’organisation de la «Journée de la Médiation» le 21 mai 2024, les autorités judiciaires sénégalaises mettent en lumière l’importance grandiose des modes alternatifs de règlement des litiges pour désengorger les tribunaux et favoriser l’attractivité du pays.
Résolument engagé dans la modernisation de sa justice pour stimuler l’environnement des affaires, le Sénégal accélère sa transition vers les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL), établis en priorité. Au premier rang, la médiation, saluée pour sa capacité à désengorger les prétoires, préserver les relations et garantir la confidentialité des différends. Un virage décisif pour rendre le système judiciaire plus efficace et performant, soutenu par un arsenal juridique étoffé.
« Il est plus qu’urgent que nous nous approprions les réformes engagées par le Gouvernement », a déclaré Mme Aïssatou Diémé Diallo, Présidente du Tribunal de Commerce Hors Classe de Dakar, lors de la Journée de la Médiation. Et pour cause, malgré les multiples réformes du Code de procédure civile, « l’objectif de mettre un terme aux lenteurs et à l’encombrement anormal des rôles » peine à être atteint.
C’est pourquoi le décret n°2014-1653 sur la médiation et la conciliation a été adopté, visant à « promouvoir la culture et la pratique de ces modes alternatifs » selon Mme Diallo. Une nécessité vitale, car, dit-elle, la « judiciarisation à outrance » de ces modes alternatifs risque d’« aller à l’encontre des objectifs » de désengorgement.
Une vision partagée par les avocats, « maillon essentiel » dont l’appui est indispensable selon Mme Diallo. « Il leur appartient de mettre un terme à la logique du +tout judiciaire+ et de faire évoluer les mœurs », a-t-elle plaidé. Les notaires sont aussi mis à contribution pour « inclure dans les contrats des clauses de règlement alternatif des litiges », a-t-elle précisé.
La médiation judiciaire a ainsi été intégrée aux procédures du Tribunal de Commerce, complétant la conciliation judiciaire existante. Une évolution stratégique puisque « les MARL sont des modes alternatifs d’accès à la justice », selon la présidente qui insiste : « Judiciariser à outrance les MARL, c’est aller à l’encontre des objectifs des réformes. »
Renforcer l’attractivité économique, l’autre enjeu de taille
Au-delà du désengorgement des prétoires, l’essor de la médiation vise aussi à raffermir l’attrait économique du Sénégal selon Abdoulaye Rokhaya Wane, expert-consultant. « Les emprunts bancaires non réglés représentent un frein à la circulation des capitaux et à l’investissement », souligne-t-il, rappelant « l’impact économique des litiges prolongés. »
M. Wane prône donc l’inspiration de « modèles internationaux efficaces » comme la Chine, où « un système de règlement des litiges favorise la confiance des investisseurs. » Une approche que le Sénégal doit s’approprier, d’autant qu’avec « la découverte du pétrole et du gaz », de nouveaux types de contentieux économiques émergents, souvent résolus « par la médiation et non la voie juridictionnelle longue et coûteuse. »
Une vision partagée par les autorités, pour qui la médiation permet de « résoudre les différends selon des modalités convenues, tout en préservant la confidentialité et les relations d’affaires. »
La promotion des MARL s’inscrit ainsi dans une « responsabilité publique » plus large de « corriger » les faiblesses restreignant l’attractivité du Sénégal, selon M. Wane. Un défi de taille alors que le pays fait face à de nouveaux types de litiges économiques avec « la découverte du pétrole et du gaz », domaines où « la médiation est généralement privilégiée. »
Pour les autorités, cet objectif de compétitivité passe par la préservation des relations économiques. « La médiation permet de résoudre les différends selon des modalités convenues tout en maintenant les relations d’affaires », un avantage conforté par la confidentialité des procédures selon Mme Diémé Diallo. Un argument de poids pour « opter pour un accord consenti plutôt qu’un jugement contraint » et ainsi « rassurer l’investisseur » comme le souligne la présidente, citant Balzac : « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. »
ARD/ac/APA