Au Cabo Verde, l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a réuni, du 19 au 22 novembre, différents acteurs de l’Afrique de l’Ouest face à un constat préoccupant : seuls 13% de la population bénéficient d’une protection sociale dans la région. Mme Bintia Stéphane-Tchicaya, fonctionnaire principale, chargée des politiques au bureau sous régional de la FAO pour l’Afrique de l’ouest, par ailleurs Représentante par intérim de la FAO au Liberia, détaille dans cet entretien à APA, les solutions envisagées pour étendre cette couverture cruciale, notamment en période de crise alimentaire.
Dans un contexte de crise alimentaire touchant de nombreux pays, quelles solutions concrètes pourraient ressortir de cette réunion ?
La 16e réunion de l’équipe pluridisciplinaire de la FAO en Afrique de l’Ouest, tenue à Praia, a rassemblé divers acteurs du système agroalimentaire et de la protection sociale, notamment des organisations paysannes, des gouvernements et le secteur privé. Une conclusion majeure est l’urgence d’améliorer la couverture sociale en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, seulement 13 % de la population bénéficie d’une forme de protection sociale.
Ainsi, l’une des principales recommandations est d’intégrer la protection sociale dans les politiques publiques et de la lier aux programmes de développement rural. Nous avons aussi identifié des actions prioritaires, notamment des mesures concrètes pour réduire les vulnérabilités et promouvoir des systèmes agroalimentaires inclusifs. Cependant, la disparité entre les capacités des pays à assurer une couverture universelle reste un défi majeur.
Pour y remédier, en plus de mobiliser des ressources internes, nous encourageons les pays à intégrer la protection sociale dans les fonds internationaux, tels que le Fonds vert pour le climat et les fonds environnementaux mondiaux. Ces ressources peuvent soutenir les populations rurales vulnérables tout en répondant aux défis climatiques.
Quelles actions concrètes la FAO met-elle en œuvre pour appuyer les pays dans ce domaine ?
La FAO travaille de concert avec les gouvernements pour concevoir des politiques et stratégies de protection sociale. Par exemple, nous collaborons avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) pour élaborer un cadre et un plan opérationnel de protection sociale, qui servent de référence pour les pays en phase de formulation de leurs stratégies nationales.
Par ailleurs, notre action s’étend aux communautés de base. Nous les sensibilisons à leurs droits en matière de protection sociale et leur expliquons les services minimaux que l’État doit leur offrir. Ces actions touchent les pêcheurs, les agriculteurs et les communautés forestières.
Nous agissons donc à deux niveaux : auprès des gouvernements pour la formulation de politiques, et auprès des communautés pour leur autonomisation et leur inclusion dans ces systèmes.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées et les stratégies pour les surmonter ?
Les obstacles sont nombreux. D’abord, les effets du changement climatique amplifient les vulnérabilités des populations rurales. Ensuite, le manque de financement limite les capacités des gouvernements à fournir une protection adéquate. Enfin, l’absence de données fiables complique la planification et le suivi des politiques sociales.
Certaines nations disposent de registres pour la protection sociale, mais ils ne couvrent pas toujours le monde rural ou manquent d’interopérabilité avec les registres nationaux. La FAO accompagne les pays pour améliorer cette interopérabilité, éviter les doublons et renforcer la coordination multisectorielle.
Le Cabo Verde est souvent cité comme un exemple en matière de résilience agricole. Quelles leçons peut-on en tirer pour l’Afrique de l’Ouest ?
Le Cabo Verde se distingue par son faible déficit de financement pour atteindre une couverture sociale universelle, estimé à seulement 4 %, contre 94 % en Sierra Leone. Ce pays montre une volonté politique affirmée en investissant dans son capital humain selon une approche cyclique, de la petite enfance au troisième âge.
Son modèle met en avant la nutrition infantile et l’assistance sociale aux personnes âgées sans soutien familial. Cette stratégie illustre qu’avec une gestion optimale et une mobilisation de ressources diversifiées, des avancées significatives sont possibles.
Aussi, le Cabo Verde est une source d’inspiration. Nous espérons que d’autres nations en Afrique de l’Ouest s’en inspireront pour atteindre une couverture sociale d’au moins 90 % et protéger efficacement leurs populations vulnérables.
AC/Sf/APA