Houka Houka Ag Alhousseini a reçu un certificat de reconnaissance du gouverneur de Tombouctou pour service rendu en faveur de la paix et du vivre ensemble dans cette région.
Le 9 novembre dernier, une trentaine d’autorités religieuses et coutumières de même que des chefs de village et de quartiers de Tombouctou ont reçu une « attestation de reconnaissance » décernée par Bakoun Kanté, gouverneur de cette région du Mali pour « service rendu en faveur du retour de la paix et du vivre ensemble dans la région de Tombouctou ». Mais cette décision de l’Etat malien fait polémique. La présence du « Cadi » Houka Houka AG Alhousseini sur la liste des personnalités honorées y est certainement pour quelque chose.
Ancien juge islamique à Tombouctou en 2012, lorsque les jihadistes d’Ansar Dine et d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) gouvernaient cette ville du nord malien, Houka Houka Ag Alhousseini jouit toujours d’une grande influence dans cette ville. Le 26 octobre dernier, en sa qualité de Cadi (juge musulman remplissant des fonctions civiles, judiciaires et religieuses) de Zouérat, dans la commune d’Essakane, il a posé trois conditions au gouverneur de la région de Tombouctou pour la réouverture des écoles.
La première consiste à « introduire l’arabe à l’école, dont le Coran et son interprétation en langue du milieu et dans tous les ordres d’enseignement ». Au sujet du second cycle, le religieux exige aussi que les « rangées des filles et des garçons soient séparées par une barrière lorsqu’il est impossible de séparer la classe ». « Il est souhaitable que les filles soient enseignées par les femmes et les garçons par des hommes lorsque les classes sont séparées », ajoute-t-il, souhaitant que les enseignants soient visibles par les élèves en fonction de leur genre.
Pourtant, en 2019, le Conseil de sécurité des Nations Unies a prononcé des sanctions contre Houka Houka Ag Alhousseini pour ses agissements faisant obstacle à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger signé en 2014 entre l’État malien et des groupes rebelles nordistes.
Arrêté en janvier 2014 par les soldats français à la faveur de l’intervention Serval pour déloger les jihadistes du nord du Mali, Houka Houka a été libéré huit mois plus tard par les autorités maliennes. Depuis, il vit à Zouérat, un village situé à l’ouest de Tombouctou. Selon les Nations-Unies, il a été réintégré dans ses fonctions d’enseignant en septembre 2017 par le gouverneur de la région de Tombouctou de l’époque, Koina Ag Ahmadou, sous la pression du dirigeant de la Coalition du peuple de l’Azawad (CPA), Mohamed Ousmane Ag Mohamidoune.
Pour beaucoup d’observateurs de la crise sécuritaire qui prévaut au Mali depuis une dizaine d’années, décerner un certificat de reconnaissance à un ancien juge islamique lié à AQMI est un signe de faiblesse pour l’État malien. Selon une source sécuritaire, « c’est plutôt un signe de perte de souveraineté de l’État face aux différents acteurs ».
« L’éducation est supposée être la même sur l’ensemble du territoire national, or les propositions de Houka Houka pour accompagner la réouverture des écoles s’inscrivent dans le projet de société du GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) proche d’AQMI », indiquent-t-ils, anticipant sur « la nécessité pour l’Etat d’examiner ce genre de concessions sociétale en cas de négociations avec ce groupe jihadiste ».
AC/cgd/APA