Face aux défis pressants du système éducatif, selon des acteurs du secteur, le Sénégal doit miser sur l’innovation en renforçant les collaborations entre l’État, le secteur privé, les ONG et la société civile.
Dans le cadre de l’année de l’éducation déclarée par l’Union africaine en 2024, une table ronde s’est tenue à Dakar ce mardi 1er octobre, réunissant des acteurs clés du secteur éducatif. Organisée par le Think tank WATHI en partenariat avec l’Ambassade d’Irlande au Sénégal, cette rencontre a mis en lumière le rôle essentiel de l’État dans la transformation du système éducatif, tout en soulignant l’importance des partenariats avec le secteur privé, les ONG et la société civile.
« Nous avons vu que l’État a un rôle clé à jouer dans la transformation des systèmes éducatifs, mais que ce travail ne peut être accompli par l’État seul et qu’il nécessite un large éventail de partenariats et d’innovations, notamment en travaillant avec des instituts de recherche, le secteur privé, des ONG et la société civile », a relevé l’ambassadeur d’Irlande au Sénégal, Derek Hannon.
Cette vision est partagée par Giles Yabi, directeur de WATHI, qui a insisté sur l’importance de l’éducation comme priorité transversale. « Pour nous, l’éducation, c’est la priorité parmi les priorités, c’est la plus transversale C’est-à-dire que par rapport à tous les défis que nous avons, il y a toujours un élément de réponse qui a à voir avec l’éducation », a-t-il déclaré.
Malgré les progrès réalisés, des défis persistent. Selon les statistiques citées par l’ambassadeur Hannon, le taux d’achèvement de l’école primaire pour les garçons est de 60 % et de seulement 55 % pour les filles en 2022. Le déclin se poursuit au niveau secondaire, avec seulement 43 ,2% des filles et 34,5% des garçons qui terminent le premier cycle de l’enseignement secondaire.
Le secteur privé, partenaire incontournable de l’innovation
Face à ces différents défis, la collaboration entre le secteur public, le secteur privé et les ONG est essentielle pour maximiser l’impact des innovations éducatives. Le secteur privé, en particulier, s’est positionné comme un acteur majeur dans la diversification de l’offre éducative et l’introduction de nouvelles technologies.
« Depuis plusieurs années, l’enseignement privé est à ses côtés pour soutenir l’État dans sa politique d’éducation Et nous avons constaté qu’aujourd’hui, il y a quand même plus de 5 000 établissements privés autorisés au Sénégal, ce qui n’est pas un chiffre assez petit par rapport aux établissements publics », a souligné Mamadou Cissé, président de la Fédération pour l’éducation et la formation.
L’apport du privé ne se limite pas à l’accès à l’éducation. M. Cissé fait valoir également son rôle dans l’innovation. « C’est le secteur privé qui est investi des domaines de formation non encore investis par le secteur public, qui va de l’innovation pédagogique dans le système éducatif, aux offres de formation professionnelle, et aussi des offres de formation dans l’enseignement supérieur », a-t-il dit.
Cette synergie entre public et privé est essentielle pour relever les défis actuels, notamment dans le domaine du numérique. « Bien que le numérique soit assez démocratisé aujourd’hui, l’accès d’abord à tous les enfants du Sénégal pose problème, mais aussi la perception même de ce que doit être l’outil numérique chez les apprenants pose problème », a noté M. Cissé.
L’innovation technologique constitue un levier majeur pour la transformation du système éducatif sénégalais. Des plateformes éducatives numériques, des applications pour l’apprentissage en ligne et des outils d’intelligence artificielle commencent à être déployés dans certaines écoles privées, mais l’enjeu est de taille pour les généraliser à l’échelle nationale. L’objectif étant d’améliorer la qualité des enseignements et garantir un accès équitable à ces nouvelles technologies.
Gilles Yabi, directeur exécutif de WATHI, a rappelé que les défis liés à l’éducation en Afrique de l’Ouest exigent une approche ouverte et innovante. « Nous devons nous inspirer des meilleures pratiques internationales, tout en tenant compte des réalités locales. Les réformes doivent permettre d’ancrer les jeunes dans leur histoire et leur identité, tout en leur donnant les outils pour évoluer dans un monde en pleine mutation », a-t-il plaidé.
Vers une collaboration renforcée pour un impact durable
Cette table ronde a mis en lumière la nécessité d’une approche collaborative et innovante pour transformer le système éducatif sénégalais. « Comment faire en sorte que le secteur public soit aussi au courant et qu’il y ait davantage d’interactions entre le secteur privé, le secteur public, les ONG, pour qu’on améliore collectivement le système éducatif au Sénégal. Je crois que c’est vraiment ça l’enjeu le plus important », a affirmé M. Yabi.
Cette collaboration est d’autant plus cruciale face aux défis actuels, comme l’introduction de l’anglais dans l’enseignement élémentaire. « Ce serait bon que ces innovations, l’expérience du privé puisse servir au public, pour que ce partage d’expériences ne soit pas quand même un goulot d’étranglement pour le système public, parce qu’ils sont en phase d’expérimentation », a proposé Mamadou Cissé.
Pour Giles Yabi, « ce qui va définir la stabilité, la sécurité dans nos pays, dans cinq, dans dix, dans quinze, dans vingt ans, c’est de mon point de vue, ce qu’on aura mis dans la tête des enfants, en termes de valeurs, en termes de connaissances, en termes de savoir-faire, de savoir-être et de savoir-vivre. »
ARD/te/Sf/APA