La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) attirait autrefois l’attention pour toutes les bonnes raisons, mais la donne a changé depuis que trois de ses membres, aujourd’hui dirigés par des juntes militaires, ont choisi de quitter le bloc régional. Que réserve l’avenir ?
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, membres fondateurs du bloc en 1975, ont été autorisés à quitter la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) 11 mois après avoir notifié leur départ en raison d’un différend non résolu avec le groupe sur le retour à un régime démocratique. Cette décision, prise lors de la 66e réunion des chefs d’État et de gouvernement à Abuja le 15 décembre, laisse une « porte entrouverte » aux trois États dissidents s’ils décident de réintégrer le groupe. Toutefois, cette possibilité de revenir sur leur décision ne durera que six mois à partir de janvier 2025, date officielle de leur départ. Entre-temps, la médiation se poursuit, sous la direction du président sénégalais, dans une tentative désespérée de persuader le trio dirigé par des juntes de rester et de préserver la cohésion régionale.
Les présidents sénégalais Bassirou Diomaye Faye et Assimi Goita du Mali, Ibrahima Traoré du Burkina Faso et Abdourahmane Tchiani du Niger parlent le même langage contre le néocolonialisme et l’impérialisme, et la Cédéao espère que cela fournira une plate-forme à partir de laquelle le dirigeant sénégalais pourra opérer et les reconquérir.
Mais pour l’instant, les militaires en charge au Mali, au Niger et au Burkina Faso restent sur leurs positions.
Ils ont d’abord résisté aux sanctions après avoir pris le pouvoir par des coups d’État considérés comme abominables par la Cédéao entre 2021 et 2023, puis ont fermé la porte à toute idée de retour au sein du groupe.
Depuis leur rupture avec la Cédéao, les trois pays ont formé une confédération souple, l’Alliance des États du Sahel (AES), et ont affirmé que leur départ du groupement était « irréversible ».
Ils accusent les dirigeants de la Cédéao d’être des marionnettes de la France, ancienne puissance coloniale dans la région, qui est fortement critiquée pour sa prétendue ingérence dans les affaires de ses anciennes colonies en Afrique.
Les relations se détériorant avec les trois pays, les troupes françaises ont été expulsées.
L’AES a déclaré que la libre circulation des personnes et des biens des pays de la Cédéao serait toujours autorisée dans les trois pays malgré ce départ.
Un coup à la cohésion au sein de la Cédéao
L’année dernière, la Cédéao, en tant que bloc, commandait une zone ouest-africaine de 5 114 162 km² avec une population estimée à plus de 424,34 millions d’habitants. Elle était largement reconnue comme un modèle de cohésion économique régionale, illustré par la libre circulation des citoyens des pays membres. Elle est largement reconnue pour avoir joué un rôle efficace dans le retour à la normale des États membres après leur plongée dans la guerre civile. Les cas du Libéria et de la Sierra Léone, déchirés par la guerre dans les années 1990, et de la Gambie et de la Guinée-Bissau, en proie à des troubles politiques ces deux dernières années, sont facilement cités.
Fondée en 1975 pour promouvoir et faciliter une approche progressive de l’intégration économique entre ses membres, la Cédéao est également chargée d’intervenir militairement pour stabiliser des situations politiques fragiles dans la région.
Cependant, le retrait imminent du Mali, du Burkina Faso et du Niger sera silencieusement ressenti comme un coup dur pour l’image de la Cédéao en tant qu’unité cohérente de nations ouest-africaines rassemblées par une histoire commune et une vision partagée du progrès économique. Ils la quittent avec une superficie combinée de 2 millions 781 392 km² et 76 millions d’habitants.
Cela représente une perte considérable et un potentiel économique réduit pour le groupement dont la force était de couvrir une région entière presque deux fois plus grande que l’Europe de l’Ouest.
La démographie de l’AES constitue encore une zone commerciale suffisamment importante pour que la Cédéao en soit perdante.
Outre le fait d’être dirigés par des juntes militaires, les trois États dissidents sont des pays enclavés qui ont besoin de leurs voisins maritimes, en particulier pour leur commerce extérieur. Cela les incitera à nouer de nouvelles relations avec les différents pays membres de la Cédéao afin d’obtenir l’accès aux ports pour l’importation de biens et de services, ainsi que pour l’exportation de matières premières.
Quelles que soient leurs motivations, les États de l’AES et leurs voisins de la Cédéao sont condamnés par la géographie à continuer à interagir, même si c’est au sein d’une région réduite.
Le chef gambien du secrétariat de la Cédéao, Omar Alieu Touray, l’a résumé dans son discours lors d’une réunion du conseil des ministres des Affaires étrangères à Abuja la semaine dernière.
« Les récentes délibérations ont souligné l’importance de la médiation et du dialogue pour résoudre les problèmes urgents. Alors que nous avançons, renouvelons collectivement notre engagement en faveur du développement durable, de l’intégration et du bien-être de nos citoyens », a-t-il déclaré.
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