Le séjour privé mouvementé du chef de l’État en Suisse, sur fond de tractations pour la résolution de la crise sécessionniste anglophone, tient le haut de l’affiche dans les journaux camerounais parus vendredi, avec un clin d’œil sur des sujets à caractère social.
Toujours inconsolable, le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune refait sa principale manchette sur les actes de violence perpétrés mardi dernier, à l’hôtel Intercontinental de Genève où séjourne le couple présidentiel, par des compatriotes regroupés au sein de la «Brigade anti-sardinards» (Bas).
Rappelant que les mêmes activistes avaient déjà perpétré des actes de vandalisme, en janvier dernier dans certaines représentations diplomatiques du pays à l’étranger, la publication a interrogé la classe politique qui, en chœur, dénonce des actes qui n’honorent pas leurs auteurs, discréditent leur «combat» contre le régime de Yaoundé et tendent, plutôt, à porter un coup à l’image du Cameroun.
Dans ce concert d’indignations, InfoMatin constate qu’il manque une voix, pourtant essentielle dans le contexte actuel : celle du secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir), Jean Nkueté qui a «abandonné à Genève» son président national, Paul Biya.
«Dans les rangs de la majorité, beaucoup ne cachent pas leur consternation, face à la curieuse atonie du principal animateur de l’exécutif du parti au pouvoir. Lequel semble avoir opté de faire le dos rond, au moment où son président national, en visite privée en Europe, se fait agresser et insulter», écrit cet autre quotidien.
Paul Biya n’est pas en territoire helvétique pour un séjour de plaisance, croit savoir Mutations : le chef de l’État a en effet emporté avec lui le dossier de la crise anglophone, la Suisse jouant actuellement un rôle de médiateur et de facilitateur dans le conflit en cours au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun, en vue de préparer des négociations de paix entre le gouvernement et l’opposition.
Sauf que, relativise La Nouvelle Expression, les choses semblent plutôt mal engagées, plusieurs groupes séparatistes anglophones ayant déjà rejeté les bons offices suisses, exigeant un mandat clair du Centre pour le dialogue humanitaire avant d’entrer dans le fond du dossier.
Pendant ce temps, fait observer la même publication, le fléau du tribalisme gagne du terrain à travers le pays au point de susciter le cri du cœur de chefs traditionnels de la localité de Batchenga (Centre), pour qui le Cameroun n’est la propriété d’aucun homme ou femme, ni d’aucune chapelle politique.
Le tribalisme est un cancer qui peut métastaser, avertit, dans les colonnes de Mutations, le lamido (chef traditionnel) de Banyo (région de l’Adamaoua) et sénateur, Mohaman Gabdo Yahya : la lutte contre le tribalisme doit au plus vite être érigée en cause nationale, on ne plus se taire, ou se réfugier dans le confort de situations personnelles, de petites vies tranquilles, car le feu qui couve sous nos pieds pourrait embraser rapidement tout le pays.
«Disons non à la haine, au tribalisme et à la division !» s’écrie l’éditorialiste d’InfoMatin, décrivant un Cameroun qui s’enfonce, depuis peu, dans des violences asymétriques, une barbarie verbale et épistolaire qui menace les fondements mêmes de la République et ne peut laisser indifférents que les inconscients.
«Il est encore temps, nous en sommes convaincus, que les Camerounais, d’où qu’ils viennent, quoi qu’ils fassent et qui qu’ils sont, reviennent à une réalité qu’aucun discours d’appel à la haine tribale ne pourra vaincre. Nous sommes tous, autant que nous sommes, les enfants d’une même et chère patrie, et d’une terre chérie dans lesquelles personne ne pourra déloger l’autre.»
FCEB/cat/APA