Les journaux camerounais parus mardi traduisent le malaise du vivre-ensemble sur fond de crise anglophone, au lendemain de la célébration des 47 ans de l’unité nationale.
«20 mai : l’unité a triomphé» est le titre qui barre la couverture, surmonté d’images évocatrices, du quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, qui salue «une communion exceptionnelle entre le chef de l’État, Paul Biya, les Forces armées et l’ensemble du peuple camerounais».
Autres lieux, autres images cette fois totalement contradictoires et que présente son confrère de langue anglaise The Guardian Post : des scènes qualifiées de «moches» de la même fête dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où l’on a «importé» des défilants, la plupart le visage voilé de peur d’être pris pour cibles par les combattants sécessionnistes.
Dans le chef-lieu de la première région citée, Bamenda, appuie Intégration, des coups de feu en pleine parade ont semé la panique jusqu’à la tribune officielle.
Dans cette ville, affirme Le Jour, le défilé a duré moins de 30 minutes sous un déploiement spectaculaire des forces de défense et de sécurité.
Dans le Sud-Ouest, par contre et selon les reporters de Le Jour, la population, sortie en masse, a défié le mot d’ordre de «ville morte» décrété par les sécessionnistes, le défilé à Buea, épicentre de la crise anglophone, ayant mis deux heures et demie.
«Pendant leur passage, les défilants tenaient des pancartes sur lesquelles étaient marqués des messages de paix et d’unité. Le gouverneur de la région du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilaï, qui présidait cette manifestation, a salué le courage des populations sorties massivement manifester leur soif de paix et d’unité.»
«Unité nationale : on racole», tacle La Voix du Centre, pour qui les manifestations de la veille à travers le pays, largement boycottées par l’opposition, n’ont fait que renforcer les signes de la «désunion» du pays.
Faux ! rétorque Cameroon Tribune : «En faisant échec au projet des sécessionnistes de ternir l’éclat de la fête de l’unité, Camerounaises et Camerounais ont, dans leur immense majorité, réaffirmé solennellement leur attachement irréversible aux fondements de la République», chercher à instrumentaliser et à tirer des dividendes des tensions séparatistes constituant une véritable manœuvre de récupération, un déni de patriotisme.
Et La Nouvelle de s’en prendre à quelques apprentis sorciers, qui tentent de remettre en question ce lien scellé depuis des décennies, envié de par le monde et qui constitue la marque de fabrique du Cameroun, dans un monde ou une sous-région très agités.
Tout serait tellement beau, renchérit en effet Sans Détour, si des manœuvres pernicieuses n’étaient ourdies, à travers une vicieuse campagne médiatique, pour saborder les chances de dialogue inclusif dans la crise anglophone.
Mais le sabotage ne vient pas toujours du camp d’en face, répond en écho Le Jour, s’inquiétant de cette cacophonie gouvernementale née des dernières sorties du Premier ministre Joseph Dion Ngute et de son ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji sur les pistes de solutions dans la crise anglophone.
Un brouillard communicationnel, explique la publication : alors que le premier cité, en mission dans les régions en conflit, avait invité ses interlocuteurs à la cessation des violences et au pardon, voici que le trublion de l’Intérieur court dans les médias pour déclarer que le pouvoir ne discutera pas de la forme de l’État.
M. Atanga Nji est «droit dans sa bulle», moque Mutations : «Assurément, la sortie du Minat est venue démontrer qu’au sein même du pouvoir, des oppositions subsistent quant à l’inscription, ou non, du fédéralisme à l’ordre du jour des discussions attendues.»
Aurore Plus, dans un panorama en 11 tableaux intitulé «crise anglophone : Paul Biya et le piège du dialogue virtuel», évoque également des pourparlers improbables avec les sécessionnistes avant de laisser tomber : «En l’état actuel de la situation, on voit mal le régime Biya ouvrir le jeu, là où il a passé des décennies à verrouiller.»
FCEB/cat/APA