En misant sur l’approche par Communautés agricoles coopératives, Dakar entend réduire sa dépendance alimentaire vis-à-vis de l’étranger et se poser en modèle pour le reste du continent.
Le Sénégal a officiellement lancé vendredi soir les préparatifs du Forum sur les Systèmes alimentaires d’Afrique (AFS) 2025, un événement continental majeur qui se tiendra à Dakar du 29 août au 5 septembre prochain.
La cérémonie de lancement, qui s’est déroulée au Grand Théâtre de Dakar, a été co-présidée par le ministre Secrétaire général de la Présidence sénégalaise, Oumar Samba Ba, et l’ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Dessalegn, actuel président du Forum AFS, en présence de nombreuses personnalités et partenaires du développement agricole.
Cette rencontre a été l’occasion pour le gouvernement sénégalais de dévoiler son programme agricole phare : la Communauté agricole coopérative (CAC), une initiative ambitieuse visant à renforcer les écosystèmes agricoles locaux par le biais de modèles coopératifs évolutifs. Ce programme, porté par le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, privilégie la croissance inclusive et l’innovation avec les jeunes au cœur du dispositif.
« Nous sommes déterminés à montrer que la transformation commence chez soi. Le Sénégal ne suit pas un plan dessiné ailleurs. Nous sommes ici pour investir pour nos peuples, nos propres solutions et notre avenir », a déclaré M. Ba lors de son allocution.
A l’en croire, « le programme CAC n’est qu’un exemple qui prouve la confiance que nous avons en l’innovation locale. C’est ainsi que le prochain chapitre pour l’Afrique sera écrit par les Africains, pour l’Afrique. »
Oumar Samba Ba a insisté sur le fait que les jeunes ne sont pas un défi démographique, mais « une opportunité générationnelle. »
Il a rappelé que sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, élu démocratiquement comme le plus jeune président d’Afrique, le Sénégal apporte « une vision audacieuse, fondée sur les aspirations de notre jeunesse et sur une profonde conviction en leur potentiel. »
Création d’emplois et opportunités pour la jeunesse
Le ministre de l’Agriculture, Dr. Mabouba Diagne a, quant à lui, souligné l’urgence de créer des emplois significatifs face au défi démographique.
« Avec 60% de la population sénégalaise âgée de moins de 25 ans, nous sommes confrontés à un énorme défi. Les taux de chômage des jeunes sont inacceptables, en particulier dans les zones rurales. C’est un problème qui ne touche pas seulement le Sénégal, mais l’ensemble du continent », a-t-il souligné.
Dans cette optique, le gouvernement sénégalais prévoit d’établir 1 000 hectares de fermes agricoles modernes à travers le Programme de résilience du système alimentaire ouest-africain (PRSA-FSRP SN), au profit de 50 coopératives agricoles dirigées par des jeunes. Une enveloppe initiale de 22,5 millions de dollars a déjà été allouée à ce programme.
« Ces coopératives se concentreront sur l’agriculture, l’élevage et la pêche durables, créant ainsi des emplois directs pour des milliers de jeunes », a précisé Dr. Diagne, ajoutant qu’« il s’agit d’une initiative d’impact durable, des emplois qui profiteront aux jeunes aujourd’hui, demain et pendant de nombreuses années. »
Le ministre Secrétaire général de la Présidence a cité des exemples concrets d’initiatives qui portent déjà leurs fruits. Le projet Feed the Future Sénégal Youth in Agriculture a renforcé les capacités, en fournissant des formations et en créant des opportunités entrepreneuriales au sein des chaînes de valeur agricoles, a-t-il indiqué.
Il a également souligné les résultats prometteurs du programme Agrijeunes Tekki Ndawñi qui aide déjà 150 000 jeunes ruraux, en leur fournissant les outils et le soutien dont ils ont besoin pour réussir en tant qu’agri-entrepreneurs dans les chaînes de valeur agricoles, pastorales et de la pêche.
Ces initiatives représentent selon lui le mouvement croissant des jeunes qui prennent l’initiative de transformer l’agriculture en un secteur durable et rentable.
Un forum continental d’envergure croissante
Le Forum AFS, devenu en 15 ans la principale plateforme continentale dédiée à la transformation des systèmes alimentaires, réunira cette année plus de 6 000 délégués autour du thème: « La jeunesse africaine menant la collaboration, l’innovation et la mise en œuvre de la transformation des systèmes alimentaires en Afrique. »
« Tous les jours à travers notre continent, les jeunes fermiers, les entrepreneurs et les technologues repensent ce qui est possible. Dakar 2025 aura l’effet d’un catalyseur sur l’action, grâce à l’énergie et à la créativité de la jeunesse africaine. Ils sont en train de construire les systèmes alimentaires de demain, et c’est à nous de les soutenir avec tout ce que nous avons », a souligné M. Amath Pathé Sene, Directeur Général du Secrétariat du Forum AFS.
Malgré l’optimisme affiché, les intervenants n’ont pas manqué d’évoquer les obstacles persistants. Le Oumar Samba Ba a notamment mentionné l’accès limité à la terre, au capital, à la technologie et aux ressources qui reste, d’après lui, un défi pour de nombreux jeunes à travers le continent.
« Pour que les jeunes jouent un rôle de premier plan dans la transformation agricole, les gouvernements et les institutions doivent créer des environnements favorables qui leur donnent accès aux ressources et aux opportunités nécessaires pour prospérer », a-t-il rappelé.
Enjeux alimentaires et économiques
Les intervenants ont rappelé les défis auxquels font face les systèmes alimentaires africains. Le continent importe plus de 50 milliards de dollars en nourriture chaque année, « une dépendance qui mine notre autonomie économique et nous rend vulnérables aux chocs mondiaux », selon les mots M. Ba.
Un Africain sur cinq est exposé à l’insécurité alimentaire, une situation aggravée par les chocs climatiques, les marchés inaccessibles et les pratiques non durables, a relevé M. Sène.
Partant de ces constats, le Forum AFS 2025 s’organisera autour de cinq priorités majeures. Il s’agira d’abord de catalyser une action coordonnée en alignant les parties prenantes sur des priorités communes. Ensuite, le Forum ambitionne de mobiliser des investissements stratégiques afin de renforcer l’agriculture et l’agro-industrie sur le continent.
L’accélération de l’innovation et de l’adoption de technologies modernes figure également parmi les axes clés, tout comme l’autonomisation des jeunes et des femmes, considérés comme des moteurs essentiels de la transformation.
Enfin, l’événement vise à appuyer un dialogue politique ambitieux, assorti de réformes structurelles capables de créer un environnement propice à une croissance agricole inclusive et durable.
Les éditions précédentes ont conduit à des accords et des investissements de plusieurs millions de dollars. En 2024, les gouvernements africains ont collectivement recherché 13,5 milliards de dollars pour soutenir des initiatives politiques nationales.
Le Forum se veut « un espace unique où les chefs d’État, les gouvernements, les scientifiques, les entrepreneurs, les fermiers, les jeunes innovateurs, les leaders du secteur privé, les organisations civiques et les partenaires du développement pourront se réunir dans l’objectif de partager leurs progrès, identifier les défis et s’engager à l’action nécessaire », a dit M. Sène.
Le choix du Sénégal comme hôte du Forum AFS 2025 résulte d’un processus rigoureux d’une durée de trois mois, au terme duquel le pays a été élu à l’unanimité. Ses stratégies agricoles innovantes et sa Vision 2050 ont été reconnues pour leur capacité à faire avancer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, particulièrement grâce à l’implication des jeunes et des femmes.
ARD/te/Sf/APA