Alors que les pays riches peinent à se soumettre au mécanisme de réallocation des droits de tirages spéciaux (DTS), les pays vulnérables espèrent tirer profit du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RST) développé par le FMI.
Au Sénégal, les nouveaux dirigeants cherchent de nouvelles ressources financières pour relancer l’économie nationale, malmenée depuis plusieurs mois par de multiples chocs, tant exogènes qu’endogènes. Les droits de tirages spéciaux (DTS) offrent une solution, mais ce mécanisme de financement du Fonds monétaire international (FMI) profite faiblement aux pays africains, indique professeur Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres).
« Le financement par les droits de tirages spéciaux ne peut couvrir qu’une faible part des besoins de financement des pays africains », a déclaré jeudi 11 juillet le chercheur sénégalais à l’occasion d’un atelier, tenu à Dakar, sur la restitution des résultats de recherche sur les réallocations de DTS et le financement de la relance économique au Sénégal.
Le DTS n’est pas une monnaie, mais un actif de réserve international créé en 1969 par le FMI avant de l’émettre pour des allocations à ses pays membres dans le but de les aider à compléter leurs réserves officielles, explique M. Diagne. Soulignant que cette créance peut être échangée en cinq monnaies : le dollar américain, l’euro, la livre sterling, le yuan chinois et le yen japonais. De manière concrète, les DTS fournissent indirectement des devises aux pays membres sans créer de dette supplémentaire.
Cependant, « plus l’économie d’un pays est forte, plus sa quote-part est élevée ». C’est-à-dire que les pays riches sont les premiers bénéficiaires, proportionnellement à leurs quotes-parts au capital du FMI. En août 2021, l’institution de Bretton Woods a approuvé une allocation de 433 milliards de DTS, l’équivalent de 650 milliards de dollars. A cette occasion, neuf pays ont empoché 20 milliards de dollars, « soit 60% des allocations totales de l’Afrique », a-t-il rappelé, soulignant toutefois que les pays du continent ont le plus besoin des DTS alors qu’ils utilisent le plus souvent leurs quotes-parts pour « payer les dettes au FMI ».
Un moyen de « financer le déficit budgétaire »
Les pays africains bénéficient ainsi de faibles allocations qui « ne permettent pas de couvrir (leurs) besoins de financement » pour leur développement, note le directeur exécutif du Cres. Face à cette anomalie, des experts et plusieurs décideurs africains plaident pour un mécanisme de réallocation des DTS aux pays qui en ont le plus besoin en vue de « financer le déficit budgétaire ».
L’essentiel des pays développés ne coopèrent pas à cette demande. En 2021, le Sénégal avait reçu une allocation en DTS de 467 millions de dollars, soit 290,5 milliards de FCFA, un montant que le président de la République d’alors, Macky Sall (2012-2024), avait jugé insuffisant.
« Franchement, je ne sais pas quelle langue il faut parler pour que nos partenaires nous comprennent. Il y a des pays qui se sont engagés, mais le problème, c’est que, jusqu’à présent, il y a zéro décaissement sur la réallocation. Deux mécanismes ont été mis en place au FMI avec des guichets, or, cela implique des conditions, c’est ça, le problème », avait déclaré, agacé, l’ex-chef de l’Etat sénégalais, devenu envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P), lors d’une rencontre internationale organisée en mai 2022 à Dakar.
Il insistait sur le fait que ces pays riches « ont d’autres mécanismes qui leur permettent de contenir la crise » qui était surtout liée à l’époque à la pandémie de Covid-19 et, depuis plus de deux ans, à la guerre russo-ukrainienne. Pour le cas du Sénégal, les tensions politiques préélectorales ont ralenti la croissance et porté un sacré coup à l’économie en plus des chocs exogènes.
« Les besoins en ressources pour la gestion de ces chocs ont occasionné une progression rapide de l’endettement et du déficit public, ce qui limite les chances du Sénégal de mobiliser des ressources pour financer ses politiques de développement », soulignent les experts du Cres.
En outre, le nouveau mécanisme de réallocation des DTS, dénommé fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RST), permet aux pays vulnérables de relever les défis structurels à plus long terme avec un accent particulier sur ceux liés aux changements climatiques. « Le Sénégal a manifesté sa volonté d’accéder aux RST qui sont assujettis à de fortes conditionnalités » telles que « le respect de l’environnement », a indiqué Abdoulaye Diagne.
ODL/Sf/te/APA