Suite à la récente nomination de Gayton McKenzie, un militant connu de la rhétorique xénophobe, à un poste ministériel, l’Afrique du Sud est confrontée à une question pressante : existe-t-il une véritable volonté politique de s’attaquer au problème de l’afrophobie xénophobe dans le pays ?
La nomination de M. McKenzie, qui dirige l’Alliance patriotique et qui a déjà appelé à l’expulsion des ressortissants étrangers d’Afrique – et poursuit sa rhétorique à ce sujet – a fait froncer les sourcils en Afrique du Sud.
Les observateurs se demandent si le gouvernement du président Cyril Ramaphosa souscrit réellement aux valeurs du panafricanisme ou si ces nominations ne sont que des manœuvres politiquement opportunes visant à apaiser certaines bases électorales.
« Les implications de la nomination de M. McKenzie sont profondes. En tant que membre d’un gouvernement qui devrait idéalement défendre l’inclusion et l’unité, sa présence soulève des inquiétudes quant à l’orientation des politiques sud-africaines en matière d’immigration et de relations raciales », a déclaré l’analyste politique Donald Porusingazi.
Il est d’accord avec l’avertissement lancé cette semaine par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, selon lequel la rhétorique anti-immigrés africaine des hommes politiques pourrait bientôt déboucher sur un « déchaînement d’émeutes » contre les ressortissants des autres pays africains résidant actuellement en Afrique du Sud.
« L’affirmation de Mbeki selon laquelle des personnalités comme M. McKenzie contribuent à un environnement propice à la violence xénophobe souligne la nécessité urgente pour l’administration Ramaphosa d’adopter une position ferme contre de telles idéologies », a déclaré l’analyste.
Il a noté que la juxtaposition des appels à l’inclusion de Mbeki et de la rhétorique de division de McKenzie peignait une image troublante du paysage politique sud-africain.
Dans un bulletin d’information publié lundi, M. Mbeki a établi un parallèle entre les troubles au Royaume-Uni et le contexte sud-africain, soulignant le risque que des groupes soient incités à la violence par des récits d’exploitation.
Il fait remarquer que les émeutes britanniques ont été alimentées par des informations erronées suite à un incident tragique impliquant un demandeur d’asile musulman, ce qui révèle la facilité avec laquelle les communautés peuvent être manipulées par des forces négatives pour faire des personnes vulnérables des boucs émissaires.
M. Porusingazi a déclaré que l’incapacité du gouvernement de M. Ramaphosa à lutter activement contre les sentiments xénophobes de ses propres ministres risque de saper sa crédibilité sur la scène continentale, où il souscrit, sur le papier, aux valeurs du panafricanisme.
« En outre, la question se pose : l’Afrique du Sud, une nation aux prises avec ses propres problèmes de xénophobie et d’exclusion, devrait-elle être en première ligne pour défendre les causes de l’UA (Union africaine) alors que certains de ses hauts fonctionnaires sont autorisés à saper les valeurs mêmes du panafricanisme que le gouvernement prétend défendre au niveau continental ? »
Selon lui, malgré la signature de la loi sur la prévention et la lutte contre les crimes et les discours haineux par M. Ramaphosa, il y a trois mois, aucune mesure n’a été prise contre des personnes comme M. McKenzie, qui continuent de tenir des propos xénophobes à l’encontre des ressortissants sans papiers d’autres pays d’Afrique.
« Il continue à prendre une tasse de café ou de thé avec Ramaphosa pendant les réunions du cabinet, comme si tout allait bien », a déclaré M. Porusingazi.
Alors que le pays navigue en eaux troubles, l’on ne sait pas encore si M. Ramaphosa prendra des mesures décisives pour lutter contre l’afrophobie et la xénophobie, ou si l’opportunisme politique continuera d’éclipser les efforts sincères en faveur de l’unité et de l’inclusion.
La réponse à cette question déterminera non seulement la politique intérieure de l’Afrique du Sud, mais aussi son rôle et sa réputation dans le contexte africain plus large.
À une époque où la coopération et la solidarité sont plus que jamais nécessaires, les enjeux ne pourraient être plus élevés.
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