Face aux défis croissants de nourrir le bétail pendant la saison sèche, une initiative novatrice de culture de fourrage niébé à double usage promet de transformer le secteur agro-pastoral au Sénégal. Ce projet, fruit d’un partenariat entre AICCRA-Sénégal et l’Association pour le développement intégrée et durable (ADID) basée à Dahra Jolof (centre), vise à renforcer la sécurité alimentaire du bétail tout en améliorant les conditions de vie des communautés rurales.
Dans les vastes étendues du département de Linguère, au cœur du Sénégal, la saison sèche a longtemps été synonyme de lutte pour la survie du bétail. Les pâturages se raréfient, l’eau devient une denrée précieuse, et les éleveurs se retrouvent confrontés à des choix impossibles pour nourrir leurs animaux. La saison sèche au Sénégal, de plus en plus longue du fait du changement climatique, pose des défis considérables aux éleveurs et agro-pasteurs.
« Nous ne pouvons pas nourrir nos animaux de nos poches. Les coûts de l’alimentation industrielle sont vraiment très élevés », constate avec amertume Abdou Guissé, responsable du suivi et de l’animation à ADID. Cette réalité économique, couplée à la raréfaction des pâturages naturels et aux difficultés d’accès à l’eau, crée une situation précaire pour de nombreuses communautés rurales.
C’est dans ce contexte que le projet AICCRA, en partenariat avec l’Association pour le développement intégrée et durable (ADID), a récemment lancé une initiative ambitieuse : la culture du niébé fourrager à double usage dans 14 communes du département de Linguère. Ce projet vise à mobiliser plus de 150 jeunes et femmes, offrant une solution innovante aux défis de l’alimentation du bétail en saison sèche.
« Nous allons faire des parcelles de démonstration et des champs-écoles durant la saison des pluies pour produire sur de grandes superficies. Pour ce faire, nous comptons mobiliser 150 personnes, 150 producteurs, hommes, femmes et jeunes, autour de ces parcelles pour leur apprendre les techniques de production de la culture fourragère », a fait savoir M. Guissé.
Cette approche ne se contente pas de résoudre le problème immédiat de l’alimentation du bétail. Elle ouvre également la voie à une transformation plus profonde du secteur agro-pastoral. Prosper Houessionon, agroéconomiste à l’Institut international de recherche sur l’élevage (Ilri), souligne l’importance de cette initiative dans le cadre plus large de l’adaptation au changement climatique.
« Le projet AICCRA vise principalement à renforcer la capacité des institutions nationales, que ce soit publiques comme privées. […] Nous travaillons à travers ces institutions pour renforcer leurs capacités et pouvoir appuyer les bénéficiaires directs qui sont les producteurs, les pasteurs et les agro-pasteurs, pour renforcer la résilience face au changement climatique », a-t-il expliqué.
L’utilisation d’outils numériques joue également un rôle crucial dans cette transformation. « Nous avons des outils numériques qui sont destinés aux agents de vulgarisation pour les aider à éclairer aussi les décisions qu’ils prennent. A l’image de la plate-forme Agdatahub où ils peuvent consulter les prévisions saisonnières fournies par l’ANACIM, selon la localité, bien avant l’arrivée des premières pluies… », a relevé l’agent d’Ilri.
Le succès initial de ce type d’initiative est déjà visible. A en croire Abdou Guissé « plus de 100 femmes productrices de lait local ont vraiment finalement abandonné l’achat de l’aliment industriel pour l’alimentation et l’augmentation de la production et de la productivité de leurs filières. »
L’Adjoint au préfet du département de Linguère, Aly Baydi Kane a magnifié l’apport d’AICCRA dans la fourniture de l’information climatique aux éleveurs et producteurs, tout en assurant « sa disponibilité et celle des services décentralisés de l’Etat à accompagner ce projet pour l’atteinte de leurs objectifs. » Enfin, il a invité les populations s’approprier cette initiative
Ce projet de culture de niébé fourrager à double usage représente bien plus qu’une solution simple à court terme. Il incarne une vision d’avenir pour le secteur agro-pastoral sénégalais, une vision où l’autosuffisance alimentaire, la résilience face au changement climatique et l’amélioration des conditions de vie des communautés rurales vont de pair.
Par ailleurs, cette initiative illustre comment l’innovation agricole, soutenue par des partenariats solides et une approche inclusive, peut apporter des solutions concrètes aux défis complexes du développement rural et de l’adaptation au changement climatique.
ARD/te/Sf/APA