Le célèbre fromager de Freetown, qui a été déraciné par une forte tempête ayant sévit sur la capitale il y a
près de deux semaines, a déclenché un débat animé sur la question des changements climatiques en Sierra Leone.
La chute de l’arbre emblématique qui embellissait l’horizon de Freetown depuis plus de trois siècles a été un choc et une surprise pour de nombreux citoyens habitués à ce spectacle.
Peu de Sierra-Léonais auraient prédit que l’existence de cet arbre immense, ombragé et haut de 70 mètres prendrait fin au début du 21ème siècle après avoir été intégré dans le tissu historique du pays avant même les époques de l’esclavage, de la colonisation et de la décolonisation.
Perspective historique
Certains historiens estiment que l’arbre avait plus de 300 ans. Les informations glanées dans le passé lointain suggèrent qu’en 1792, le fromager était l’un des plus grands parmi plusieurs arbres géants lorsque les esclaves africains affranchis ont commencé à vivre à quelques mètres de là, dans la ville nommée en l’honneur des esclaves affranchis.
Pour de nombreux Sierra-Léonais, l’arbre était un monument vénéré et un symbole de liberté, à l’instar de la Statue de la Liberté pour les Américains ou de la Place de l’Obélisque pour les Sénégalais.
Entouré de bâtiments publics, dont l’imposant édifice de la Haute Cour, la State House et le National Social Security and Insurance Trust (NASSIT) dans le centre de Freetown, il a été une pierre de touche pour les habitants et les touristes étrangers. Ses photos ornaient d’innombrables objets d’usage courant, y compris la monnaie
locale, le Leone.
Le fait que le Cotton Tree Medical Group (CTMG), une organisation fondée et dirigée par le Dr Fouad Sheriff, un entrepreneur sierra-léonais, ait été baptisé du nom de l’un des arbres les plus célèbres du monde témoigne de son importance.
Certains se sont montrés très philosophiques, faisant remarquer que rien n’est éternel et que la chute de l’arbre n’a fait que démontrer l’inévitabilité qui l’accompagne.
Ils affirment que la vie de l’arbre devait prendre fin un jour et que les Sierra-Léonais le pleureraient, comme ils l’ont fait en 1988 lors des funérailles de feu Siaka Stevens, président de la Sierra Leone pendant plus de 17 ans.
Le débat sur l’environnement
Cependant, maintenant que l’arbre n’est plus, sa disparition a déclenché un débat, notamment parmi l’armée d’écologistes de la Sierra Leone, qui a accusé le changement climatique d’avoir privé la ville de Freetown de son emblème naturel le plus célèbre.
Ils estiment que l’arbre aurait pu vivre encore de nombreuses décennies si le pays avait la volonté de réparer la dégradation de l’environnement et de réduire la pollution.
En fait, de nombreux experts ont régulièrement mis en garde contre la pollution de l’environnement autour du fromager géant.
Les villes et les grandes agglomérations de la Sierra Leone sont surpeuplées depuis la fin de la guerre civile, qui a duré 11 ans, en 2002, et exercent une pression excessive sur l’environnement qui les entoure.
Comme partout ailleurs dans le monde, la crise climatique en Afrique a frappé la Sierra Leone de plein fouet.
De nombreux Sierra-Léonais ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes telles que les sécheresses et les inondations, comme celles qui ont fait tomber le
fromager.
La population du pays a augmenté de 60% en deux décennies, passant de cinq millions d’habitants avant la guerre civile à huit millions en 2022, selon les statistiques officielles.
Par conséquent, l’utilisation des ressources naturelles telles que la terre et l’eau a augmenté de manière significative, entraînant la perte de la nature, en particulier des forêts, de la biodiversité et de l’écosystème. Certains affirment que la Sierra Leone se réchauffe plus rapidement que prévu.
La fréquence des événements climatiques a fortement augmenté au fil des ans dans le pays. La coulée de boue meurtrière qui a frappé Freetown le 14 août 2017 et qui a fait plus de 1.000 morts est l’une des catastrophes météorologiques les plus cataclysmiques de ces dernières années.
Au début de la saison des pluies de cette année, certains chercheurs s’interrogent sur le coût et l’impact de la crise climatique, notamment les coûts sous forme de vies et de biens perdus. Au niveau international, de nombreuses propositions ont été faites pour minimiser les coûts, notamment en réparant la nature.
Selon certains, la réparation de la nature nécessite le soutien des communautés touchées par le réchauffement climatique.
D’un autre côté, certains affirment que les pays les moins avancés (PMA), comme la Sierra Leone, ne peuvent pas se permettre le coût élevé de la réparation de la nature, comme la restauration des terres, de l’eau, des forêts et des animaux.
Selon la Banque mondiale, la Sierra Leone n’a enregistré que 1.750 dollars de revenu national brut (RNB) par habitant en 2021, un revenu qui place le pays parmi les plus pauvres du monde.
Deuxièmement, il y a aussi le débat sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui provoquent le réchauffement de la planète et les changements climatiques.
Certains pensent que les pays développés ou les grands émetteurs de gaz à effet de serre doivent payer un pourcentage élevé du coût.
L’Afrique, la Sierra Leone en particulier, a « les émissions de gaz à effet de serre par habitant les plus faibles du monde », selon African Parks, une organisation de protection de la nature à but non lucratif.
Enfin, les Sierra-Léonais ne sont peut-être pas d’accord sur la manière de minimiser le coût et l’impact des changements climatiques, mais presque tout le monde estime que la chute du fromager de Freetown est une grande perte pour eux.
On a vu des citoyens faire la queue dans les rues pour pleurer la perte de l’arbre sur le site-même, où d’énormes piles de troncs tombés ont été sciées en morceaux, chargées et emportées pour libérer la circulation.
ABJ/fss/APA