L’organisation régionale a donné un délai d’une semaine à la junte nigérienne pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions.
Le monde est-il sur le point d’assister à un affrontement militaire dans le Niger de l’après-coup d’Etat, où aucune issue ne semble se dessiner à la crise politique actuelle déclenchée par la destitution du président Mohamed Bazoum ?
La récente rhétorique musclée contre les coups d’Etat du président nigérian Bola Tinubu, qui préside actuellement la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), rend cette éventualité possible – dans une certaine mesure.
Toutefois, avec le recul, les dirigeants qui se sont réunis dimanche lors d’un sommet extraordinaire à Abuja pour menacer sans équivoque les nouveaux dirigeants de Niamey d’une action militaire, pourraient considérer cette éventualité comme farfelue.
Les dernières fois que la Cédéao est intervenue militairement pour renverser un coup d’Etat dans un pays membre, c’était au milieu des années 1990, dans une Sierra Leone ravagée par la guerre, et dans des circonstances politiques différentes, en Gambie.
Une junte dirigée par Johnny Paul Koroma, aujourd’hui décédé, alliée aux rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF), a été mise en déroute par une force régionale, ce qui a permis de rétablir le président civil Ahmed Tejan Kabbah dans la capitale de la Sierra Leone, Freetown.
Une autre intervention de type quasi-militaire a eu lieu en Gambie en 2017, après que le président sortant Yahya Jammeh a concédé sa défaite électorale face à Adama Barrow et a plongé son pays dans une crise politique par son irascible volte-face.
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Le commandant de la garde présidentielle du Niger, Abdourahamane Tchiani, qui s’est autoproclamé nouveau dirigeant du pays, a promis de défendre son intégrité territoriale en cas d’invasion par des forces étrangères.
La France a été accusée de planifier une éventuelle action militaire pour rétablir M. Bazoum.
Le président français Emmanuel Macron a promis de prendre des mesures sévères contre de nouvelles attaques contre l’ambassade de son pays à Niamey, où une plaque a apparemment été dégradée par des manifestants
qui ont prononcé des slogans critiques à l’égard de Paris et en faveur de la Russie.
Le gouvernement militaire affirme être en possession de preuves d’un plan de l’ancienne puissance coloniale du Niger visant à renverser le coup d’Etat de mercredi dernier.
Dans ce contexte, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a également brandi la menace à peine voilée d’une action militaire si son ultimatum de sept jours pour le retour de Bazoum au pouvoir n’était pas respecté par la junte.
Bazoum continue de languir en détention au palais présidentiel de Niamey où des photos de lui souriant avec le chef militaire tchadien Mahamat Idris Deby Itno ont été diffusées pour la première fois depuis son éviction.
Une action militaire est-elle possible ?
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Les deux camps du coup d’Etat au Niger n’ont pas adouci leur rhétorique. D’un côté, le général Tchiani et les hommes de main de la junte ont multiplié les déclarations mettant en garde contre toute intervention militaire étrangère qui serait réprimée par la force.
De l’autre, l’école de pensée anti-coup d’Etat, dirigée par la Cédéao et soutenue par l’Occident, menace d’une invasion si la junte refuse de faire marche arrière, de retourner dans les casernes et de laisser la gestion de ce pays riche en uranium aux mains des civils dirigés par le président évincé.
L’ultimatum de deux semaines lancé par l’Union africaine aux nouveaux hommes forts du Niger met en évidence l’absence de réponse coordonnée du continent à la crise politique qui sévit dans ce pays du Sahel en proie à la tempête de poussière.
Alors que le dirigeant du Tchad, voisin du Niger, s’efforce de rétablir la normalité dans le pays, cela pourrait contribuer à éloigner la perspective d’une confrontation militaire pour le moment, même si l’ultimatum de la Cédéao expire dans quelques jours.
La nature de la diplomatie ouest-africaine, et même africaine, est généralement de donner au dialogue un maximum de chances de succès lorsque d’autres moyens, comme l’action militaire, sont envisagés.
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La junte de Niamey pourrait qualifier de bluff les menaces de la Cédéao, sachant que l’organisation régionale a l’habitude de s’adoucir soudainement après des positions initialement fermes contre les récents coups d’Etat, comme nous l’avons vu en Guinée en septembre 2021 , au Mali en aout 2020 et au Burkina Faso en janvier 2022, qui sont dirigés par des hommes forts militaires, bien qu’ils aient promis de ramener leurs pays à un régime démocratique.
Certains observateurs estiment que le bloc doit déjà faire face à d’autres problèmes politico-sécuritaires régionaux et qu’il ne devrait pas se lancer dans une aventure militaire de grande envergure au Niger, ce qui aggraverait la crise sécuritaire dans un pays où sévissent des jihadistes qui pourraient tirer profit des incertitudes qu’une telle confrontation pourrait engendrer.
Comme les trois pays d’Afrique de l’Ouest déjà aux mains de putschistes victorieux, le Niger est sanctionné par la Cédéao, mais nombreux sont ceux qui ne voient pas comment le bloc régional pourrait faire monter les enchères contre le général Tchiani en menant une intervention militaire de grande envergure.
« La Cédéao a tellement de choses à mâcher dans son assiette et en ajoutant une action militaire contre le nouveau régime au Niger, elle pourrait mordre plus qu’elle ne peut gérer à ce stade », déclare un observateur.
WN/as/fss/ac/APA