Le Somaliland, république autoproclamée qui a fait sécession de la Somalie en 1991, a voté mercredi pour élire son président, clamant son sens démocratique au moment où sa quête de reconnaissance internationale secoue la Corne de l’Afrique.
Dans le sillage de sa quête pour une reconnaissance internationale, les résultats complets de la présidentielle sont attendus au Somaliland la semaine prochaine. Un duel entre les deux favoris: le président sortant Muse Bihi (76 ans), au pouvoir depuis 2017, et le chef du principal parti d’opposition (Waddani) Abdirahman Mohamed Abdullahi, dit « Irro » (68 ans).
Le scrutin s’est clos peu avant 18H30 locales (15H30 GMT), au terme d’une journée commencée très tôt pour certains des 1,22 million d’électeurs, venus en nombre avant même l’aube notamment dans la capitale Hargeisa, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« C’est un jour très important« , explique Hamza Moussa Ali, travailleur humanitaire de 32 ans, arrivé dès 01H00 du matin sur la place principale de la capitale Hargeisa pour voter pour le candidat de l’opposition: « Nous devons montrer que la manière dont nous votons est un processus démocratique. Nous devons montrer au monde que le Somaliland (…) peut être reconnu en toute sécurité« .
« La communauté internationale a les yeux rivés sur nous. Cette élection reflète la souveraineté du Somaliland« , estime également Khadra, 26 ans, partisane de Muse Bihi.
– Tempête diplomatique –
Territoire de la taille de l’Uruguay (175 000 km2) à la pointe nord-ouest de la Somalie, le Somaliland a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, alors que la République de Somalie sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l’autocrate Siad Barre.
Il fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police, et se distingue par sa relative stabilité comparé à la Somalie, minée par l’insurrection islamiste des shebab et les conflits politiques chroniques.
Mais il n’est reconnu par aucun pays, ce qui le maintient dans un certain isolement politique et économique malgré sa situation à l’entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, sur l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde reliant l’océan Indien au canal de Suez.
Sa quête de reconnaissance est depuis 10 mois au cœur d’une profonde crise diplomatique entre la Somalie et l’Ethiopie, avec qui le gouvernement somalilandais a signé un protocole d’accord controversé.
Le texte n’a jamais été rendu public mais, selon les autorités d’Hargeisa, il prévoit la location de 20 kilomètres de côtes à l’Ethiopie, plus grand Etat enclavé au monde, en échange d’une reconnaissance formelle.
La Somalie a dénoncé un accord « illégal » violant sa souveraineté et s’est depuis rapprochée de l’Egypte, rival d’Addis-Abeba, déclenchant une escalade verbale et militaire qui inquiète la communauté internationale.
Le texte n’a connu jusqu’à présent aucune avancée publique mais le président somalilandais Muse Bihi assure que la reconnaissance tant attendue est imminente, notamment s’il est réélu.
– Economie et sécurité –
L’opposition ne critique pas le texte et promet d’œuvrer à la reconnaissance du « pays ».
Mais elle accuse le dirigeant d’avoir divisé et affaibli le Somaliland.
La région est en proie aux difficultés économiques (inflation, chômage, pauvreté…) mais aussi à des conflits dans l’est, où le gouvernement a perdu le contrôle de la région de Sool.
Après des mois de violents combats contre une milice pro-Mogadiscio qui ont fait au moins 210 morts, les forces somalilandaises se sont retirées en août 2023 de la moitié de cette région.
Face à la poigne de Muse Bihi, un ancien militaire et combattant de la guerre d’indépendance, son rival « Irro », ex-diplomate (ambassadeur en URSS et Finlande) et président de la Chambre des représentants (2005-2017), s’est affiché en figure unificatrice.
Cette élection met fin à deux ans de controverse après que le gouvernement a reporté le scrutin, initialement prévu en 2022, pour des « raisons techniques et financières ». L’opposition avait dénoncé une prolongation du mandat du président. Des manifestations avaient été violemment réprimées, faisant cinq morts.
TE/Sf/APA avec AFP