Les rideaux sont tombés, le 11 février dernier, sur la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football. Pays hôte du tournoi biennal, la Côte d’Ivoire, au terme d’un scénario des plus improbables, a remporté le trophée pour la troisième fois de son Histoire. Moustapha Sadio, journaliste à la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS) et correspondant au Sénégal du site Sport News Africa (SNA), met cette victoire sur le compte de la « résilience » des Éléphants.
La 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football a pris fin le 11 février dernier avec le sacre de la Côte d’Ivoire aux dépens du Nigeria. Comment trouvez-vous le niveau global de la compétition du point de vue du jeu ?
Acceptable. On a eu du spectacle, du suspense, des retournements de situation et beaucoup de buts. C’est l’une des Can les plus prolifiques. Dans la plupart des matchs, il y avait de l’intensité. Des joueurs se sont révélés au grand public. Je peux dire sans risque de me tromper que cette édition a tenu toutes ses promesses.
La Can 2023 a un bon niveau comparé à l’Euro, à la Copa América et à la Coupe d’Asie. Les téléspectateurs africains se sont tellement concentrés sur le tournoi qu’ils n’avaient plus le temps de suivre les championnats européens. C’est un grand changement qui est en train de s’opérer.
Certains spécialistes disent que la Can 2023 est la meilleure de l’Histoire. Êtes-vous de cet avis ? Si oui, pourquoi ?
Je n’ai pas suivi toutes les Can depuis la première édition organisée en 1957 au Soudan. Dès lors, je ne saurais faire une telle affirmation. Cela dit, au début de ce millénaire, il y a des Can qui, à mon avis, sont meilleures que la dernière.
Je me souviens particulièrement de celles de 2006 en Égypte, de 2008 au Ghana et de 2010 en Angola. Il y a aussi la Can 2002 au Mali lors de laquelle le Sénégal a affiché un bon niveau. Quoi qu’on puisse dire, la Can 2023 a été remportée par une équipe moyenne : la Côte d’Ivoire.
Pour moi, elle n’est donc pas la plus relevée de l’Histoire. Loin de là. Toutefois, cette Can a été très spectaculaire. Cinq des six stades de la compétition étaient de bonne qualité. Seule la pelouse du stade Alassane Ouattara d’Ébimpé, situé à 25 kilomètres au Nord d’Abidjan, n’a pas donné entière satisfaction. Sur le plan des infrastructures, on se rapproche de ce qui se fait de mieux dans le monde.
La Côte d’Ivoire, pays hôte du tournoi, était au bord de l’élimination au premier tour. Sauvés par le Maroc, les Éléphants sont finalement allés chercher une troisième étoile. Que vous inspire leur parcours ?
C’est admirable. Les Éléphants ont fait preuve de résilience après un premier tour catastrophique où ils perdent deux matchs sur trois (défaites contre le Nigeria et la Guinée équatoriale). Si le Ghana, menant deux buts à zéro face au Mozambique lors de la 3e journée de la poule B, avait conservé son avantage, la Côte d’Ivoire aurait été éliminée au lendemain de son humiliation par le Nzalang nacional (0-4).
Sauvés par le Maroc lors de l’ultime journée de la phase de groupes, les Ivoiriens ont fait montre de caractère en s’offrant le scalp du Sénégal, tenant du titre, en huitièmes de finale. Ils ont su résister face à la qualité des Lions qui étaient brillants au premier tour avec trois succès en autant de sorties (Gambie, Cameroun et Guinée).
Au tour suivant, contre le Mali, ils ont également renversé une situation mal engagée. Les Aigles avaient l’une des meilleures équipes de la compétition. Le résultat est d’autant plus retentissant que la Côte d’Ivoire a joué presque une mi-temps à dix contre onze après l’expulsion du défenseur central Odilon Kossounou pour cumul de cartons jaunes.
En demi-finale, face à la République Démocratique du Congo, les Éléphants ont plutôt maîtrisé leur sujet. En finale, contre le Nigeria, ils ont encore trouvé les ressources nécessaires pour égaliser grâce à Franck Kessié avant de prendre les devants par l’intermédiaire de Sébastien Haller.
Avec le remplacement du sélectionneur Jean-Louis Gasset par Émerse Faé, entre le premier et le second tour, il y a eu un nouvel état d’esprit. C’est avec le cœur que la Côte d’Ivoire est allée chercher sa troisième étoile. Elle n’avait pas la meilleure qualité de jeu, mais le sélectionneur par intérim a actionné les bons leviers pour remobiliser un groupe qui avait le moral dans les chaussettes.
Si le Cap Vert, la Guinée équatoriale, l’Angola ou encore la Mauritanie ont réussi de grands coups durant cette Can, le Ghana et l’Algérie ont été éliminés dès le premier tour. Et aucun des 5 représentants de l’Afrique à la Coupe du monde 2022 n’a atteint les quarts de finale. Cela témoigne-t-il d’un nivellement vers le haut du football africain ?
Effectivement ! Sur le plan tactique, des équipes comme l’Angola, la Guinée équatoriale, le Cap Vert, la Mauritanie voire la Namibie ont montré qu’elles travaillaient énormément.
Elles ont beaucoup gêné les grandes nations à l’instar du Ghana et de l’Algérie avec un sens du positionnement déstabilisant. Il faut alors magnifier le boulot de leurs sélectionneurs.
Les Fennecs et les Black Stars, pour la deuxième fois consécutive, sont rentrés à la maison au bout de trois matchs parce que leurs adversaires ont été à la hauteur du rendez-vous biennal.
Comment jugez-vous le niveau de l’arbitrage africain à travers la Can 2023 ?
Satisfaisant si on regarde ce qui se fait ailleurs. On ne devrait pas se plaindre du niveau de nos arbitres. Mais certains sifflets n’ont pas été performants. Parfois, on a senti un manque d’équité dans certains matchs. C’est pourquoi il y a eu des suspensions de la part de la Confédération africaine de football (Caf). Cette réactivité de l’instance faîtière permet aux arbitres de se remettre en question.
Mais globalement, le niveau de l’arbitrage a été bon durant la compétition. Il faut s’en féliciter car ce sont des acteurs importants dans la qualité des tournois. Issa Sy (Sénégal), Jean-Jacques Ndala (RD Congo).
Par contre, Pierre Ghislain Atcho (Gabon), l’arbitre de l’opposition entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal, a énormément déçu. Mais heureusement ces erreurs ne remettent pas en cause le niveau global de l’arbitrage africain pendant cette Can.
Par rapport à l’organisation, la Côte d’Ivoire a-t-elle réussi son pari ?
Je réponds par l’affirmative. Les gradins, clairsemés dans certains matchs du premier tour, ont été généralement bien garnis dans la phase à élimination directe. Les terrains d’entraînement mis à la disposition des 24 nations qualifiées et les pelouses de la compétition étaient de qualité.
Cela a favorisé le spectacle dans le rectangle. Ainsi, de nombreux buts ont été marqués. 118 au total. C’est un record depuis que la Can est passée en 2019 de 16 à 24 équipes. Les Ivoiriens ont répondu présents même lors des matchs où leur équipe n’était pas sur le pré.
Sur une échelle de 10, j’attribue la note de 8 à la Côte d’Ivoire malgré les couacs dans la vente des billets d’entrée au stade surtout en début de compétition. Le pays hôte, sans être la principale responsable de cette situation, a ensuite rectifié le tir. Tout un pays s’est mobilisé. Un bon accueil a été réservé aux différentes délégations. Il n’y a pas eu d’incidents avec les supporters étrangers. Bref, c’était la Can de l’hospitalité.
ID/te/APA