Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique australe a connu au moins trois gouvernements de coalition ou d’union nationale, entre autres, au Zimbabwe en 2008 et au Malawi en 2020. En tout point semblable à ce qui s’est produit récemment en Afrique du Sud en mai 2024. Quelles
Après avoir perdu sa majorité parlementaire lors des élections du 29 mai, le Congrès national africain du président Cyril Ramaphosa a rassemblé à la hâte un groupe de 11 partis politiques, tous censés s’efforcer de relever certains des défis auxquels l’Afrique du Sud est confrontée, tels que la corruption, l’augmentation de la criminalité et la détérioration de l’économie.
Toutefois, ainsi que le note l’analyste politique Donald Porusingazi, alors que l’Afrique du Sud se lance dans son propre gouvernement d’union nationale (GUN), il est essentiel de tirer les leçons de l’expérience des pays voisins, car le concept de gouvernement de coalition a été à la fois un remède et un défi dans toute la région.
« Alors que ces accords visent à favoriser la stabilité, l’inclusion et la gouvernance partagée, l’histoire a montré que les gouvernements de coalition peuvent être à la fois prometteurs et précaires », explique M. Porusingazi.
Il ajoute : « il est essentiel d’examiner les pièges et les solutions potentielles en se basant sur les expériences des pays voisins ».
Au Malawi, l’Alliance Tonse s’est révélée être une force redoutable en 2020 face au Parti progressiste démocratique, alors au pouvoir et dirigé par Peter Mutharika.
Le vice-président Saulos Klaus Chilima, décédé dans un accident d’avion en juin, a joué un rôle essentiel.
L’alliance entre le Parti du Congrès du Malawi (MCP) du président Lazarus Chakwera, le Mouvement uni pour la transformation (UTM) de M. Chilima et sept autres partis politiques, avait une mission claire : renverser Mutharika et apporter le changement.
Cependant, l’absence de lignes directrices détaillées pour l’intégration des manifestes des neuf partis s’est avérée problématique, car la hâte de former un nouveau gouvernement a rendu les partenaires de la coalition aveugles aux pièges potentiels.
À l’époque, les analystes politiques avaient qualifié les alliés, le MCP et l’UTM, d’« étranges partenaires ».
Les analystes avaient raison, car des fissures ont commencé à apparaître au sein de l’alliance une fois la poussière retombée.
Trois autres membres de l’alliance – Alliance pour la démocratie, Transformation du peuple et Mouvement progressiste du peuple – ont quitté la coalition au cours de l’année écoulée, invoquant la corruption et des promesses non tenues.
L’absence de soutien juridique a aggravé leur situation. L’accord secret de l’alliance Tonse, connu uniquement de Chakwera et de Chilima, dissimulait des détails essentiels.
Selon certaines informations, l’une de ces conditions était la présidence tournante, qui faisait de Chilima le prochain candidat aux élections de 2025. Tragiquement, le décès prématuré de Chilima a ébranlé l’alliance, et les secrets ont été enterrés en même temps que lui.
Le mépris du MCP pour les autres manifestes et la prise de décision unilatérale ont encore tendu les relations.
« Les gouvernements d’union nationale peuvent être transformateurs, mais ils exigent de la transparence, une vision commune et des cadres juridiques », ajoute M. Porusingazi.
Les relations entre Chakwera et Chilima se sont tendues au fil du temps, ce qui a conduit à l’arrestation de ce dernier pour corruption présumée en novembre 2022 et à la réduction de certains de ses pouvoirs lors d’un remaniement ministériel.
Les accusations de corruption ont été abandonnées en mai de cette année, quelques semaines avant sa mort prématurée.
Le gouvernement d’union nationale du Zimbabwe entre la ZANU PF de l’ancien président Robert Mugabe et le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de feu Morgan Tsvangirai, alors principal parti d’opposition, constitue une autre étude de cas d’une relation politique insoutenable entre un partenaire principal et un partenaire secondaire.
La ZANU PF contrôlait tous les leviers du pouvoir tandis que le MDC se voyait attribuer des portefeuilles ministériels sans grande importance, à l’exception du ministère clé des Finances, car Mugabe cherchait à utiliser la meilleure réputation internationale du parti d’opposition pour attirer des ressources dans le pays.
Les regards du monde entier sont tournés vers l’Afrique du Sud, qui entame son propre voyage dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale, en espérant que cette fois-ci, les leçons tirées de l’expérience aboutiront à des solutions durables.
Toutefois, comme le souligne M. Porusingazi, les enjeux pourraient être plus importants en Afrique du Sud qu’au Malawi (et au Zimbabwe avant) en raison du grand nombre de partis politiques impliqués dans ce que l’on appelle la nation arc-en-ciel.
« Si les arcs-en-ciel sont colorés et beaux à voir, ils exigent également un calibrage minutieux des différentes lignes colorées pour que le spectacle soit attrayant et qu’il tienne la route ».
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