Face à l’escalade des violences dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ont tenu un sommet virtuel d’urgence ce lundi 29 janvier, sous la présidence du président kényan William Ruto. Les discussions ont mis en lumière les divisions régionales alors que les combats s’intensifient sur le terrain et que les tensions diplomatiques s’exacerbent, notamment entre le Rwanda et l’Afrique du Sud.
L’EAC exige un cessez-le-feu immédiat et appelle à la retenue
Réunis en visioconférence, les dirigeants de l’EAC ont exprimé leur « profonde préoccupation » face à la détérioration rapide de la situation sécuritaire et ont exigé un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel » entre les forces congolaises et le groupe rebelle M23.
Dans leur déclaration finale parvenue à APA, les chefs d’État ont mis en garde contre toute escalade régionale et ont insisté sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale de la RDC. Ils ont également appelé à la protection des missions diplomatiques après plusieurs actes de vandalisme ciblant certaines ambassades à Kinshasa.
L’EAC a aussi proposé un renforcement de la coordination entre sa propre force régionale et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui déploie actuellement la mission SAMIDRC en soutien aux forces congolaises.
Tshisekedi mobilise la nation et accuse le Rwanda
Quelques heures avant le sommet virtuel, le président congolais Félix Tshisekedi s’est adressé à la nation, dénonçant une « agression » du Rwanda via le M23. Il a accusé Kigali de violer la souveraineté de la RDC et de fomenter l’instabilité dans l’est du pays.
Il a annoncé la nomination du général-major Évariste Somo Kakule comme gouverneur militaire du Nord-Kivu pour intensifier la riposte des Forces armées congolaises (FARDC). Il a également appelé à une mobilisation générale, exhortant les jeunes à rejoindre l’armée et promettant une réallocation budgétaire en faveur des efforts de guerre.
« Ce combat n’est pas seulement celui des FARDC. C’est le combat de tout un peuple, de notre identité congolaise », a-t-il martelé, tout en condamnant les attaques contre des missions diplomatiques à Kinshasa, appelant à la discipline et à l’unité nationale.
Tensions diplomatiques entre le Rwanda et l’Afrique du Sud
La crise a provoqué une passe d’armes entre Kigali et Pretoria après la mort de 13 soldats sud-africains dans une attaque dans l’est de la RDC.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a accusé le M23 et les Forces de défense rwandaises (RDF) d’être responsables de ces pertes. Il a qualifié les RDF de « milice », une déclaration qui a immédiatement déclenché la colère du président rwandais Paul Kagame.
Dans une série de messages sur X (ex-Twitter), Kagame a dénoncé des « mensonges » et affirmé que Ramaphosa lui aurait confié en privé que les soldats sud-africains avaient été tués par les FARDC et non par le M23.
Kagame a aussi critiqué la mission SAMIDRC, qu’il considère comme une « force belligérante » soutenant des groupes armés hostiles au Rwanda, notamment les FDLR. De son côté, Ramaphosa a réaffirmé que l’engagement sud-africain en RDC visait uniquement à protéger l’intégrité territoriale congolaise.
Dans un ton menaçant, Kagame a averti « Si l’Afrique du Sud préfère la confrontation, le Rwanda traitera la question dans ce contexte n’importe quand », rejetant toute tentative de médiation sud-africaine.
Les États-Unis dénoncent la prise de Goma et mettent en garde Kigali
De leur côté, les États-Unis ont fermement condamné mardi la prise de Goma, ville stratégique de l’est de la RDC, par le groupe armé M23, soutenu selon Washington par le Rwanda.
Lors d’un entretien téléphonique avec le président rwandais Paul Kagame, le Secrétaire d’État américain Marco Rubio s’est dit « profondément troublé » par l’escalade du conflit, appelant à un cessez-le-feu immédiat et au respect de l’intégrité territoriale de la RDC.
À New York, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, l’ambassadrice américaine Dorothy Shea a exhorté le Rwanda à retirer ses troupes du territoire congolais. Elle a également déploré la destruction d’installations diplomatiques à Kinshasa, appelant le gouvernement congolais à assurer la protection des locaux et du personnel diplomatiques.
La situation humanitaire suscite de vives préoccupations, avec un nombre croissant de déplacés à Sake, Goma et dans les environs. L’ambassadrice a aussi fait état d’inquiétudes concernant l’ouverture d’un nouveau front dans le Sud-Kivu.
Washington s’inquiète particulièrement de l’utilisation par le Rwanda de systèmes de brouillage GPS et d’armes avancées, mettant en danger le personnel de l’ONU et les civils. Trois Casques bleus ont déjà perdu la vie dans les récents affrontements.
Les États-Unis ont annoncé envisager toutes les options disponibles pour tenir responsables les acteurs alimentant le conflit, tout en appelant à une solution négociée prenant en compte les arrangements économiques régionaux concernant les ressources minérales des Grands Lacs.
Une situation explosive sur le terrain
Alors que les tensions diplomatiques atteignent un niveau inédit, les combats continuent sur le terrain. Le M23 a intensifié son offensive et pris plusieurs localités stratégiques autour de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.
La RDC réclame une action forte de la communauté internationale, tandis que l’EAC tente de désamorcer la crise par la voie diplomatique. Entre la riposte militaire prônée par Kinshasa et les appels au dialogue régional, la crise congolaise s’impose plus que jamais comme un défi majeur pour la stabilité de l’Afrique centrale et australe.
AC/Sf/APA