Le député de l’opposition Farba Ngom, accusé de blanchiment de capitaux, est désormais placé à la disposition des magistrats sénégalais après la levée, vendredi 24 janvier, de son immunité parlementaire.
Proche de l’ex-président Macky Sall, le député Mouhamadou Ngom, dit Farba, n’a plus de protection face à la justice. 130 de ses collègues ont voté ce vendredi, à l’Assemblée nationale, pour la levée de son immunité parlementaire, en réponse à une requête du ministre de la Justice. Cet influent membre de l’ancien régime est cité dans un rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) concernant des malversations sur les deniers publics, s’élevant à plus de 125 milliards de francs CFA.
Lorsque le dossier a été transmis au procureur du Pool judiciaire et financier (PJF), El Hadj Alioune Abdoulaye Sylla s’est adressé au ministre de la Justice, Ousmane Diagne, pour demander à l’Assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire de Farba Ngom, afin de pouvoir poursuivre les enquêtes.
« En application de l’article 66 de la loi n° 2024-08 sur le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive, le Parquet financier envisage l’ouverture d’une information judiciaire sous les chefs d’inculpation d’association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux », a indiqué, le 12 janvier, le magistrat dans un communiqué.
Installé en septembre dernier par les nouvelles autorités dans un souci de reddition des comptes, le PJF a récemment annoncé avoir déjà traité 91 dossiers, dont 87 transmis aux juges d’instruction. Ces investigations ont conduit à l’arrestation de 162 personnes et permis la saisie de plus de 2,5 milliards de francs CFA.
Une procédure dénoncée
Membre de la coalition Takku Wallu, le seul groupe parlementaire de l’opposition affilié à l’ancien président Macky Sall, Farba Ngom ne s’est pas présenté ce vendredi devant le parlement dominé par une écrasante majorité de députés de Pastef, le parti au pouvoir depuis neuf mois. Ses camarades, dont l’ancienne ministre de la Justice Aïssata Tall Sall, devenue présidente du groupe parlementaire, ont préféré quitter l’hémicycle pour exprimer leur opposition à l’initiative, malgré leur impuissance.
Egalement avocate de Farba Ngom, Mme Sall a, en amont, dénoncé « une forfaiture », devant son successeur au ministère de la Justice, Ousmane Diagne, venu en revanche défendre la légalité de la procédure. Elle a estimé que son client ne connaît toujours pas le contenu du dossier pour lequel il est poursuivi, alors qu’une commission ad hoc avait été mise sur pied la semaine dernière par l’Assemblée pour étudier le projet. Les députés de la majorité ont expliqué que le fond du dossier ne pouvait pas être communiqué, car il est marqué par le sceau de la « confidentialité ».
Outre trois abstentions, trois autres députés ont cependant voté contre la levée de l’immunité parlementaire du maire de la commune des Agnams (nord), où Farba Ngom a d’ailleurs organisé la veille un grand meeting, réagissant à cette affaire qu’il qualifie d’« acharnement purement politique ».
Le PJF, qui a remplacé la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) – laquelle avait notamment condamné des dignitaires du régime d’Abdoulaye Wade (2000-2012), dont son fils Karim Wade –, a été créé par une loi votée le 2 août 2023, avant le départ de Macky Sall du pouvoir qu’il a dirigé pendant douze ans comme son prédécesseur.
Dotée d’une compétence nationale, cette juridiction est rattachée au tribunal de grande instance hors classe de Dakar et à la Cour d’appel de Dakar, avec pour missions de se consacrer à la répression des infractions économiques et financières.
ODL/te/Sf/APA