Son enlèvement avait alimenté les spéculations dans un contexte marqué par la répression des proches de Dicko et la montée des tensions entre ce dernier et les autorités maliennes.
Daouda Magassa, proche collaborateur de l’influent imam Mahmoud Dicko, a été libéré le 11 mars 2025 après avoir été enlevé le 5 février 2025 à Bamako par des hommes armés non identifiés. Son enlèvement avait suscité de nombreuses interrogations. Cet événement intervient dans un contexte politique tendu marqué par la montée des tensions entre les autorités maliennes et les partisans de l’imam Dicko.
Daouda Magassa était un membre influent de la Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), organisation fondée par le religieux malien en 2019. Il y jouait un rôle clé, notamment dans la gestion des affaires religieuses et la mobilisation politique. Il faisait également partie de la Commission de soutien à l’imam Dicko, renforçant sa proximité avec ce dernier.
Son enlèvement survient alors que l’imam Dicko, exilé en Algérie depuis décembre 2023, préparait son retour au Mali, initialement prévu pour le 14 février 2025. Depuis plusieurs mois, ses proches dénonçaient des répressions occasionnant l’arrestation de plusieurs d’entre eux alors qu’ils organisaient son accueil à Bamako. Ce qui a renforcé la crainte d’une possible arrestation de Dicko à son retour.
Malgré la pression, Mahmoud Dicko a continué de jouir d’une reconnaissance internationale. En novembre 2022, il a été nommé membre permanent du bureau de la Ligue islamique mondiale, une organisation basée en Arabie saoudite et influente dans le monde musulman. Cette nomination a consolidé son statut d’autorité religieuse de premier plan et a pu être perçue comme un facteur de légitimité par ses partisans, tout en suscitant la méfiance des autorités maliennes.
Une visite controversée en Algérie et montée des tensions diplomatiques
Durant son séjour en Algérie, l’imam Dicko a participé à l’inauguration de la Grande Mosquée d’Alger, l’une des plus grandes mosquées du monde. Sa présence était justifiée par son appartenance à la Ligue islamique mondiale, qui entretient des liens avec les autorités religieuses algériennes.
Cependant, lors de cette visite, l’imam Dicko a tenu des propos critiques à l’égard des autorités de transition maliennes, dénonçant notamment leur gestion du pays et leur rapport à la démocratie. Ses déclarations ont été perçues comme une tentative de remise en cause du régime en place à Bamako, exacerbant les tensions diplomatiques entre l’Algérie et le Mali. À tel point que les relations entre les deux pays ont frôlé la rupture, Bamako accusant Alger de soutenir une opposition religieuse à son pouvoir.
Dissolution de la CMAS et répression accrue
Face à l’influence croissante de Dicko et de ses partisans, les autorités maliennes ont pris des mesures drastiques. Le 6 mars 2024, elles ont annoncé la dissolution de la CMAS, accusant le mouvement d’activités « anticonstitutionnelles » et de menaces pour la sécurité publique. Cette dissolution a été perçue comme une volonté manifeste de restreindre la capacité de mobilisation de l’imam Dicko et de son entourage.
Malgré cette interdiction, certains anciens membres de la CMAS ont continué à agir, entraînant des arrestations en 2024 et début 2025. La disparition de Daouda Magassa s’inscrit donc dans ce cadre.
Des précédents inquiétants : la disparition de Youssouf Daba Diawara
L’enlèvement de Daouda Magassa rappelle celui de Youssouf Daba Diawara, coordinateur général de la CMAS, survenu en juillet 2024. Diawara avait été arrêté par les autorités maliennes sous l’accusation d’« opposition à l’autorité légitime » après avoir tenté d’organiser une activité politique en juin 2024. À l’époque, les manifestations politiques étaient interdites depuis avril. Son arrestation et sa détention prolongée avaient été dénoncées par plusieurs organisations de défense des droits humains. Diawara n’a été libéré que plusieurs semaines plus tard, dans des conditions similaires à celles de Magassa.
Une figure clé de la contestation au Mali
L’imam Mahmoud Dicko demeure l’une des figures les plus influentes de la scène politique malienne. Son rôle a été déterminant dans la mobilisation qui a conduit au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en 2020. Cependant, après l’arrivée au pouvoir des autorités de transition, il est devenu l’un de leurs principaux détracteurs. En juin 2023, il avait appelé à voter contre le référendum constitutionnel, marquant ainsi son opposition à la nouvelle orientation politique du pays.
Des incertitudes sur son retour au Mali
Si aucune procédure judiciaire officielle n’a encore été engagée contre lui, de nombreux observateurs s’interrogent sur le sort qui lui serait réservé s’il décidait de revenir au Mali. L’arrestation de plusieurs de ses proches et la dissolution de la CMAS laissent présager un climat hostile à son retour.
La libération de Daouda Magassa peut être perçue comme un signal d’apaisement, mais les autorités de transition pourraient également y voir un moyen de mieux surveiller les réseaux de Dicko avant d’éventuelles nouvelles actions contre lui et ses partisans. À ce stade, l’avenir politique de l’imam demeure incertain, et son influence continue de diviser les Maliens.
MD/ac/APA