La banque centrale d’Éthiopie (NBE) a annoncé lundi une réforme majeure du régime de change du pays, autorisant les banques commerciales à fixer librement le taux de change de la monnaie nationale, le birr, et levant les restrictions sur l’accès aux devises.
La NBE fixait jusqu’à présent chaque jour le taux de change du birr, monnaie non convertible et non exportable, et qui le reste malgré la réforme. La valeur du birr au marché noir – très dynamique en Éthiopie en raison d’un accès étroitement contrôlé aux devises – était, avant la réforme, de plus de 50 % inférieure au taux de la banque centrale.
Lundi, la Commercial Bank of Ethiopia (CBE), principale banque commerciale d’Éthiopie détenue à 100 % par l’État, a d’ores et déjà abaissé de 30 % la valeur du birr face aux principales devises.
Elle achetait lundi 1 dollar pour 74,73 birr et 1 euro pour 81 birr, toujours loin cependant du taux du marché parallèle, stable lundi, où un dollar se négociait 113 birr et un euro 121 birr, selon un courtier informel.
Cette réforme majeure intervient dans l’attente de la conclusion imminente d’un programme d’aide financière âprement négocié depuis des mois avec le Fonds monétaire international (FMI), sur fond de pénurie de devises.
Le Fonds a réclamé de nombreuses réformes de l’économie encore largement dirigée de l’Éthiopie. Parmi celles-ci, la flottabilité du birr était l’un des points d’achoppement des négociations, selon des analystes.
Dans un communiqué publié lundi, la NBE annonce « le passage à un régime des changes basé sur le marché, au sein duquel les banques sont désormais autorisées à vendre et acheter des devises étrangères à leurs clients et entre elles, à des taux librement négociés ».
La NBE précise qu’elle ne procédera qu’à « des interventions limitées pour soutenir le marché dans les premiers jours et en cas de conditions de marché anarchiques ».
La réforme contient notamment aussi « la levée totale des règles régissant l’allocation de devises par les banques, basées sur un système de liste d’attente pour diverses catégories d’importation », ainsi que l’autorisation de l’établissement de « bureaux de change non bancaires ».
Elle lève aussi l’obligation pour banques et exportateurs de reverser leurs devises à la banque centrale et relève de 40 % à 50 % la part des recettes d’exportations que les opérateurs peuvent conserver en devises.
En revanche, les sorties de capitaux vers l’étranger restent encadrées « comme elles l’étaient auparavant », souligne la banque centrale.
« Crucialement nécessaire »
Cette réforme « est exigeante » mais « crucialement nécessaire » et « va soutenir l’étape actuelle de développement de l’Éthiopie et son intégration croissante au reste du monde », assure la NBE, qui espère qu’elle permettra notamment le retour des devises dans le circuit bancaire légal et d’attirer les investisseurs étrangers.
« La forte attractivité de l’Éthiopie pour les investissements » étrangers a « été minée par un régime des changes très restrictif », estime la banque centrale, ajoutant que celui-ci a « provoqué l’émergence d’un marché de change parallèle » et « une forte inflation » ainsi que le développement de « l’exportation en contrebande », constate la NBE.
Cette réforme bénéficiera « aux millions d’Éthiopiens travaillant dans des secteurs générateurs de devises », agriculture (café, sésame, fleurs, khat…) élevage, mines ou produits manufacturiers, notamment et permettra « aux recettes en devises d’être correctement rapatriées au bénéfice de ses habitants et des secteurs productifs ».
« Un régime des changes basé sur le marché est indispensable pour remédier à la pénurie de devises, lever les contraintes sur l’investissement du secteur privé et la croissance et aligner les prix de biens et services importés et exportés avec les réalités du marché », expliquait dimanche soir le Premier ministre Abiy Ahmed dans un communiqué sur son programme de réformes macro-économiques à venir.
Celui-ci comprend notamment la modernisation (entamée) du marché interbancaire ou une réforme fiscale.
En prenant la tête de l’Éthiopie en 2018, M. Abiy Ahmed avait affiché une volonté de réformes ambitieuses, notamment de modernisation d’une économie fortement étatisée, très encadrée et peu ouverte aux investissements étrangers.
Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec quelque 120 millions d’habitants, l’Éthiopie a connu l’une des croissances les plus rapides au monde au cours des 15 dernières années.
Mais son économie a subi depuis les contrecoups de la pandémie de Covid, de la guerre en Ukraine, mais aussi de multiples conflits internes – dont la guerre meurtrière et destructrice dans la région septentrionale du Tigré (2020-2022) -, entravant les réformes.
La croissance a ralenti, s’établissant à 5,9 % en moyenne entre 2020 et 2023, tandis que l’inflation a explosé passant de 20,4 % à 30,2 % sur la même période (33,9 % en 2022), selon la Banque mondiale.
Sf/APA avec AFP