La Haute Cour kenyane a ouvert mardi des audiences sur un recours du vice-président déchu Rigathi Gachagua contre sa destitution inédite la semaine dernière, dans un feuilleton politique à rebondissements qui captive le pays.
Peu après l’ouverture des débats, en présence de M. Gachagua, la procédure judiciaire a été contestée par ses avocats, ainsi que par le chef de l’État William Ruto.
L’équipe du principal intéressé a remis en question la composition du panel de trois juges pour l’affaire, arguant qu’il n’avait pas été constitué par la juge présidente de la Haute Cour kenyane, Martha Koome, mais par son adjoint.
Dans une saisine distincte, le président William Ruto a estimé que la Haute Cour n’avait pas la compétence sur l’affaire, pertinente selon le chef de l’État de la Cour suprême.
Le Sénat a jugé la semaine dernière M. Gachagua coupable de « violation grave » de la Constitution, de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique.
Rigathi Gachagua, 59 ans, est devenu le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d’une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010, point culminant de plusieurs mois de conflit ouvert avec William Ruto.
Quelques heures après le vote historique de la chambre haute, le chef de l’État a nommé le ministre de l’Intérieur Kithure Kindiki, un avocat de 52 ans devenu poids lourd politique, à la vice-présidence.
Mais la Haute Cour kenyane, saisie par les avocats de M. Gachagua jugeant sa destitution anticonstitutionnelle et précipitée, a suspendu le remplacement, citant des « questions constitutionnelles monumentales ».
Le vice-président était tombé malade et avait été hospitalisé à peine une heure avant de témoigner devant le Sénat la semaine dernière.
« Vicieux »
M. Ruto avait choisi M. Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation déjà sulfureuse, marquée par plusieurs accusations de corruption.
Doté d’un solide réseau d’influence notamment dans la région stratégique du mont Kenya, cet ancien homme d’affaires de l’ethnie kikuyu – majoritaire dans le pays – a joué un rôle crucial dans la victoire de M. Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49 % contre 48,85 %).
Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l’État se sont détériorées, notamment depuis le mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet.
Les détracteurs de M. Gachagua l’accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l’État face aux manifestations qui exigeaient sa démission.
William Ruto est resté silencieux sur l’affaire.
Dimanche, il a appelé à défendre « les valeurs nationales et les principes de gouvernance au quotidien », sans faire directement référence à M. Gachagua.
Après avoir quitté un hôpital de la capitale Nairobi, où il était soigné pour de fortes douleurs thoraciques, le vice-président déchu a le même jour qualifié William Ruto d’homme « vicieux » et cruel, disant craindre pour sa vie et celle de sa famille.
La Direction des enquêtes criminelles lui a demandé lundi de faire une déclaration à la police sur des « graves allégations » de tentatives d’assassinat.
APA avec AFP