Le journaliste sénégalais Mamadou Mouth Bane a présenté vendredi à Dakar un quatrième ouvrage sur les défis sécuritaires croissants au Sahel, particulièrement apprécié par un public nombreux et diversifié.
« Insécurité au Sahel : Sortir de la crise » est le titre du nouvel ouvrage de Mamadou Mouth Bane publié aux éditions Carré Culturel. Pour le présenter, il a organisé vendredi, dans une salle comble de la Place du Souvenir, à Dakar, un panel de haut niveau, composé de personnalités politiques, militaires et académiques. Pendant près de quatre heures, ces experts ont débattu des problématiques et propositions formulées par l’auteur, directeur de publication du quotidien Dakartimes.
Babacar Socrate Diallo, président du Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS), a d’abord commencé par saluer le parcours de M. Bane, ancien instituteur devenu journaliste et écrivain.
« Son mémoire de master, soutenu chez nous, avait été distingué par une mention très honorable, avec recommandation de le publier sous forme d’ouvrage », a-t-il rappelé.
Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice et des Affaires étrangères sous Macky Sall et préfacier du livre, a rendu hommage à Mamadou Mouth Bane, soulignant son engagement intellectuel.
« Le premier signe d’un intellectuel, c’est la production de livres. Mouth Bane propose des pistes de solutions face aux problématiques contemporaines, notamment l’insécurité », a-t-il déclaré.
Le colonel Babacar Diouf, présentateur de l’ouvrage, a mis en avant l’importance de « régler d’abord les contradictions internes avant de penser à une coopération régionale efficace ».
Amadou Tidiane Wone, ministre-conseiller, a quant à lui évoqué l’urgence de la situation.
« Le Sahel, qui renferme une longue histoire, est aujourd’hui perçu comme une région maudite. Pourtant, cette crise est soluble si nous savons mutualiser nos efforts », a-t-il affirmé.
L’ouvrage souligne les initiatives économiques du Maroc pour lutter contre la radicalisation, notamment à travers des projets d’irrigation et d’accès à l’eau potable. « Le port de Dakhla peut contribuer à désenclaver la région du Sahel », a noté Diouf.
Présent à la cérémonie, l’ambassadeur marocain à Dakar, Hassan Naciri, a confirmé ces propos, mettant en avant une stratégie « holistique » de son pays intégrant des dimensions économiques, religieuses et sociales pour lutter contre le terrorisme.
L’avocat Boucounta Diallo a mis en garde contre l’instabilité politique, qu’il considère comme le terreau de la crise sahélienne. Il a notamment cité les débats autour d’un quatrième mandat d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et d’un troisième mandat pour Adama Barrow en Gambie.
Robert Bourgi, avocat franco-sénégalais, a pour sa part alerté sur les dangers croissants pour les États africains.
« Le danger est à la porte de chaque État. Il faut repenser nos organisations régionales, qu’il s’agisse de l’Alliance des États du Sahel (AES) ou de la Cédéao », a-t-il affirmé, tout en dénonçant l’intervention occidentale en Libye en 2011. « J’ai dit à Sarkozy que c’était une erreur de foudroyer la Libye de Kadhafi », a-t-il confié avec émotion.
En conclusion, Mamadou Mouth Bane a plaidé pour une approche pragmatique face à la crise.
« Les conflits font perdre près de 18 milliards de dollars par an à l’Afrique », a-t-il déclaré, citant le président kenyan William Ruto. « Nous devons arrêter de blâmer les autres : nous sommes responsables de nos propres crises », a-t-il poursuivi.
L’auteur a appelé à renforcer la Cédéao tout en explorant des solutions économiques durables. « Le Sahel ne doit pas être un champ de tir ni un laboratoire d’expérimentation. L’avenir repose sur notre capacité à dépasser nos divergences », a-t-il insisté.
Si l’ouvrage se termine sur une note optimiste, le colonel Diouf a préféré une approche prudente, rappelant avec humour que « les pessimistes ont les statistiques pour eux ». Une remarque qui a déclenché des rires dans la salle, rompant brièvement la gravité des débats.
ODL/ac/Sf/APA