Alors que l’ancien président gambien, en exil en Guinée équatoriale, persiste à promettre son retour, ses récents propos ravivent les tensions politiques.
En Gambie, entre accusations de crimes graves, fractures au sein de son parti et critiques acerbes envers l’administration Barrow, Yahya Jammeh demeure une figure centrale et controversée du débat national.
Huit ans jour pour jour après sa fuite de du pays, à la suite de sa défaite électorale inattendue face à Adama Barrow, la question de son retour reste un sujet récurrent du débat politique en Gambie.
Considéré comme un dictateur imprévisible durant ses 22 années de règne, Jammeh avait pris le pouvoir en 1994 par un coup d’État militaire renversant le gouvernement de Dawda Jawara, figure de l’indépendance gambienne, sous lequel il avait servi comme garde d’État.
« Qu’ils n’essaient pas de fuir… Que cela plaise ou non, par la grâce du Tout-Puissant Allah, je reviendrai. Les menaces de m’envoyer en prison ? Qu’ils attendent mon retour et on verra qui ira en prison », a déclaré Jammeh dans un récent message audio adressé aux partisans de ce qui reste de son parti, l’Alliance pour la réorientation patriotique et la construction (APRC).
Depuis 2021, l’APRC est secoué par des divisions internes, après que Fabakary Tombong Jatta, actuel président de l’Assemblée nationale, a conduit une faction pour rejoindre le Parti national populaire (NPP) du président Barrow. Initialement silencieux sur cette alliance, Jammeh a fini par condamner cette union, accusant Barrow de mener le pays à sa perte.
Une faction dissidente, appelée « Non à la coalition », a émergé, réaffirmant sa loyauté envers Jammeh en tant que leader en exil. Ce dernier, par son récent message audio, tente de resserrer les rangs de ce groupe affaibli par des querelles internes et des défections régulières vers d’autres formations politiques.
Par ses mots, Jammeh cherche non seulement à réaffirmer son autorité sur ses partisans, mais aussi à envoyer un message à Barrow et à son gouvernement : son retour d’exil reste un objectif, même si aucune échéance n’est fixée.
Pourtant, un retour de l’ex-leader, exilé en Guinée équatoriale, semble improbable à moyen ou long terme. Cette perspective continue néanmoins d’alimenter les débats en Gambie.
Si certains prônent un retour discret, dépourvu de toute implication politique, d’autres estiment que la présence de Jammeh pourrait raviver les blessures d’un passé marqué par des violations massives des droits humains : meurtres inexpliqués, tortures, disparitions forcées, viols et division sociale, autant de crimes que l’ex-président et ses proches nient en bloc.
Évoquant ces accusations, Jammeh les a qualifiées de « foutaises » orchestrées par son successeur, qu’il accuse de diriger un gouvernement « risible » et de plonger la Gambie dans le chaos.
« Vous faites souffrir le pays. Autrefois, les Gambiens étaient respectés et fiers partout où ils allaient. Aujourd’hui, ils sont la risée du monde. Des criminels en tout genre sévissent en Gambie, sans être ni arrêtés ni condamnés », a-t-il lancé, dénonçant également l’état catastrophique du système de santé sous l’administration Barrow.
Jammeh affirme que les hôpitaux, autrefois enviés selon lui, sont devenus des « morgues », où des femmes meurent en couches avec leurs bébés. Il critique aussi la gestion agricole, le système éducatif – marqué par le décrochage de 50 000 élèves en 2021 – et l’entretien des infrastructures publiques, comme les ferries achetés sous son régime.
L’ex-président a conclu sur un ton défiant : « In sha Allah, le jour de notre rendez-vous arrive, et ce sera un jour de reddition de comptes. Alors restez là, ne fuyez pas. Si vous fuyez, je vous retrouverai. Arrêtez-moi, mettez-moi en prison si vous osez. »
Évoquant enfin le rôle de la Cédéao dans son éviction et dans d’éventuelles démarches visant à le juger, Jammeh a prévenu : « Je ne tolérerai aucun chantage, qu’il vienne d’où qu’il vienne. »
WN/as/lb/ac/Sf/APA