Dans ce vaste espace de quelque 750 hectares, des solutions innovantes et durables sont déployées pour garantir une disponibilité permanente de l’eau, alimenter diverses activités, garantir la sécurité alimentaire et préserver les écosystèmes.
Le site de la Société agro piscicole (SAP) de la Mé, à Adzopé dans le village d’Ahkoi (Sud-Est), en Côte d’Ivoire est un havre de verdure où cohabitent forêts et étangs poissonneux qui s’étendent sur 750 hectares. Depuis 1993, une méthode de gestion durable de l’eau y est mise en œuvre. Le directeur de la SAP de la Mé, l’Abbe Barnabé Bakary, explique qu’en amont, de grands barrages artificiels recueillent, pendant la saison des pluies, les eaux qui ruissellent. « Peut-être que 5% de l’eau vienne seulement d’une rivière », indique-t-il.
Pour M. Barnabé, cette technique a permis aux villages environnants du site, de se ravitailler à 30 mètres de profondeur de la nappe phréatique, alors qu’avant, il fallait atteindre 50 mètres pour trouver le liquide précieux.
Eaux non polluées
Le premier barrage du site ne tarit guère, note M. Barnabé. Et les eaux ne sont pas polluées par l’orpaillage clandestin comme par le passé. Dr Youssouf Diarra, cadre chercheur à la SAP, a souligné que la préservation du site montre concrètement aux populations qu’elles peuvent faire du développement durable à tous les niveaux, préserver l’écosystème.
Il a indiqué que la pluviométrie est relativement bonne, mais que depuis quelques années, il y a des saisons sèches beaucoup plus longues. « Il pleut pratiquement 8 mois par an, mais cette année, nous sommes dans le doute. Nous sommes obligés d’exploiter judicieusement l’eau, parce que ces deux dernières années, les prévisions ont été faussées », déplore-t-il.
Avec les changements climatiques, Dr Diarra a noté que le taux de survie des arbres plantés est actuellement moindre et cela s’explique par la rareté des pluies et la hausse des températures. Il regrette le fait que la forêt ne soit pas épargnée des actions anthropiques car, malgré la surveillance, des individus malintentionnés font des incursions pour l’abattage de certains arbres précieux.
Sécurité alimentaire
En plus de la protection de l’environnement, il y a la pratique de la pisciculture qui s’étend sur environ 80 hectares. Une pisciculture assez spéciale, selon le directeur du centre, Barnabé Bakary. Il indique qu’il était possible de produire du poisson toute l’année, sans être obligé de détourner des cours d’eau, dans le cas d’une gestion durable en eau.
Huit étangs fonctionnels servent à la pisciculture et en fonction des besoins, les techniciens disent alterner de barrage, sur lequel l’eau est tirée, pour ne pas épuiser un seul barrage. Avec cette technique de rétention d’eau, ils affirment qu’ils n’ont jamais été confrontés à des assèchements de bassins. « Nous prenons toutes nos précautions, à moins que nous décidions de vider un barrage pour des entretiens à l’intérieur », confie Dr Diarra.
Risques de sécheresse
De ces étangs, ce sont huit tonnes de Tilapia qui sont produites par mois, sans interruption avec un cycle plus long, calqué sur une méthode naturelle qui consiste à nourrir les poissons de produits énergétiques, à base de sous-produits agricoles. Cette pisciculture de l’avis du père Barnabé, est basée sur la gestion durable de l’eau.
Sur le site de la SAP de la Mé, l’eau coule pour le moment à flot, au bonheur de la faune et de la flore. Cependant, Dr Diarra fait savoir qu’il y a des risques que cette végétation dont la société prend bien soin, puisse disparaitre si les périodes de sécheresse s’allongent.
« Présentement, nous menons nos activités toute l’année sans aucune difficulté, grâce aux retenues d’eau. Mais s’il arrivait que nous manquions d’eau dans nos barrages, nous serons obligés de mener des activités saisonnières, libérer notre personnel et réagir moins sur le marché en termes de quantité et de qualité », prévient-t-il.
Pour une gestion durable en eau, Dr Diarra a signifié que ce système de stockage, peut être aussi appliqué dans d’autres zones, à condition que des initiateurs se forment et fassent preuve de discipline dans la gestion de l’eau. Il a cependant expliqué que les zones sahéliennes ne sont pas favorables à ce type de pratiques en raison d’une part de la rareté des pluies, mais également des fortes températures qui ne permettent pas de conserver l’eau des bassins en raison des fortes évaporations.
ARD/ac/APA
* Ce portrait a été produit au cours de l’atelier de formation de journalistes francophones sur « la désertification et la gestion durable des terres », du 02 au 06 septembre à Abidjan.